mardi 3 décembre 2019

Le Gymnase, 475 ans de pédagogie au cœur de Strasbourg


Inscrit dans l’histoire éducative de la ville de Strasbourg depuis le XVIème siècle, berceau de l’université, l’école devenue Gymnase avec Jean Sturm, poursuit sa mission éducative depuis plus de 475 ans, sous la tutelle du Chapitre de la Fondation Saint Thomas, administratrice de la Fondation Haute Ecole.

 Lucie Berger, développe depuis 143 ans l’expression éducative des Sœurs Diaconesses de Strasbourg.

Ces deux structures protestantes se sont efforcées, à travers les vicissitudes de l’histoire, de s’adapter à chaque époque et se sont unies pour répondre au mieux aux projets de leurs fondateurs : que transmettre, comment transmettre, comment participer à la construction humaine de la Cité ?

Voici le récit croisé de leur évolution,  le fil d’une histoire tendue entre deux révolutions technologiques majeures qui ont bouleversé, qui bouleversent le monde de l’éducation : du développement de l’imprimerie au XVIe siècle aux technologies de l’information et de la communication du XXIème siècle.

Le récit d’une aventure humaine dense, marquée par l’Histoire, grande et petite, celui des périodes dynamiques mais aussi des difficultés, un récit illustré par une importante iconographie souvent inédite, puisée tant dans les archives de la BNU que dans des collections privées et celles des deux écoles.

Une liste d’anciens élèves célèbres, des chronologies croisées complètent l’ouvrage dans lequel Marc Lienhard et Claude Keiflin ont relevé le défi de retracer une aussi longue histoire en quelques pages et aboutir à ce livre unique réalisé par les Editions du Signe.

Le livre est disponible (25€) à l’accueil du Gymnase Jean Sturm, 8 place des Etudiants à Strasbourg.



Jean Sturm


 Jean Sturm a donné son nom à notre établissement qu’il a fondé en 1538 dans les murs d’un ancien couvent de dominicains (à la place du Gymnase Jean Sturm actuel)

Jean Sturm est donc un homme du 16è siècle.

Mais entre ce siècle et le nôtre on peut observer de troublantes analogies : la découverte du nouveau monde entraîne une forme de mondialisation, à la fois exaltante et inquiétante ; les fanatismes religieux conduisent à des guerres au moins aussi cruelles qu’entre sunnites et chiites aujourd’hui; enfin les découvertes techniques comme l’imprimerie bouleversent comme internet le rapport au savoir

Un monde aussi incertain a besoin de repères. Un de ces repères fut l’humanisme. Jean Sturm fut un grand humaniste c’est-à-dire un homme qui cherche dans le passé , dans l’antiquité grecque et romaine plus particulièrement, des modèles de conduite et de sagesse pour construire un homme idéal, pour humaniser, si possible, l’homme au service de la cité.

A notre tour il est possible de nous tourner vers le passé pour construire l’avenir et considérer Jean Sturm comme un modèle, un exemple,  pour au moins trois raisons.
Ce fut d’abord un européen avant la lettre : né en Allemagne, formé à Louvain, professeur à Paris au Collège royal, appelé à Strasbourg à l’âge de 31 ans par le maire pour fonder une nouvelle école ; or ce cosmopolite fut aussi enraciné dans sa foi protestante contre les abus et les superstitions, dans sa culture, ses convictions, ses valeurs.
Ce fut ensuite un pacifiste comme Erasme : il chercha à réconcilier les deux partis catholiques et protestants ; mais quand ce ne fut plus possible il s’engagea aux côtés des protestants  en payant de sa personne : tout en exerçant son travail de directeur il accepta des missions diplomatiques périlleuses pour défendre la liberté de villes protestantes menacées par Charles Quint ; il paya aussi de sa bourse puisqu’il  donna de fortes sommes d’argent aux protestants français persécutés,  sommes qu’il ne récupéra jamais,  si bien qu’il mourut ruiné.
 Troisième raison : il sut concilier la parole et l’écriture. Il révolutionna l’enseignement , au point que le gymnase fut admiré et imité partout en Europe ; il eut la conviction que pour bien penser , pour bien maîtriser ses connaissances au service de la cité, il fallait bien parler ; l’enseignement était donc fondé sur l’art de l’éloquence et sur les langues (avant le droit et la médecine) et il imagina les vertus du théâtre scolaire.
Mais il sut aussi comprendre les vertus de l’imprimerie pour diffuser le savoir, devint éditeur (de textes comme Homère pour ses étudiants) et installa dans la chapelle du couvent une bibliothèque qui se développa au cours des siècles et devint la grande bibliothèque de Strasbourg avant de brûler en 1870 (remplacée par l’église du Temple Neuf).

Jean Sturm est donc un exemple mais peut-être surtout parce qu’il fut un homme juste, droit, bon et libre, ce que je nous souhaite d’être ou de toujours chercher à devenir.

                                    Marc Peter, professeur de Lettres - 2013