samedi 10 novembre 2018

Noa Roquet (Bac 2018) dépoussière en vidéo la Psychanalyse de l'Alsace de son arrière-grand-père


Arrière-petite-fille de Frédéric Hoffet, Noa Roquet se passionne « depuis toujours » pour le cinéma, avec une prédilection pour le documentaire. Elle aime montrer comment l’humain réagit face à l’adversité, l’émotion en prime.

Elle a entamé en septembre 2018 une licence de cinéma à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Une suite logique pour la jeune femme de 18 ans qui s’est toujours passionnée pour l’image. Elle a passé un bac littéraire avec spécialité cinéma au lycée Jean-Sturm de Strasbourg et « rêverait de réaliser des documentaires ».
Dans Kthimi , court-métrage documentaire réalisé au Gymnase, elle suit une mère et sa fille, réfugiées kosovares, qui retournent dans leur pays d’origine après huit ans d’absence. Elle a également réalisé un court-métrage à l’Etablissement public de santé Alsace Nord (EPSAN) de Brumath, qui a remporté un prix dans un festival spécialisé de Bruxelles.

« Le documentaire offre une façon particulière de regarder le monde et d’aller vers les autres », explique Noa Roquet qui aime montrer comment l’humain réagit face à l’adversité, l’émotion en prime.

Noa Roquet dépoussière en vidéo la Psychanalyse de l’Alsace, alsatique emblématique de son arrière-grand-père Frédéric Hoffet. Le regard que ces douze personnalités posent sur l’Alsace d’aujourd’hui transcende le complexe de l’enfant adoptif.

Chaque réédition de la Psychanalyse de l’Alsace révèle l’avancée de la cure. Celle de 1973, parue dans la collection Alsatia Poche, s’ouvre sur un avant-propos de Germain Muller et une gravure de Théophile Schuler, D’r Hans im Schnockeloch. L’édition de 1994, chez Alsatia toujours, est enrichie d’inédits de l’auteur et complétée par Jean-Louis Hoffet, le fils, qui fut pasteur, conseiller régional et conseiller du président Adrien Zeller.
La couverture de l’édition de 2008, aux Éditions Coprur, montre des cigognes miniatures plantées dans des parts de Forêt-Noire. La préface est signée par l’écrivain Martin Graff et la postface par Adrien Zeller.

Prolongation du livre en douze vidéos
Une autruche remplace la cigogne dans la dernière réédition parue ces jours-ci avec des dessins de Tomi Ungerer. Son trait souligne la dualité culturelle d’Alsaciens pris dans un étau, la tête dans le sable ou englués dans une coquille d’escargot. Une version espiègle de la gravure de Schuler, en somme.
Mais l’illustration ne s’arrête pas là. Le livre se prolonge cette fois-ci par douze vidéos très courtes dans lesquelles des personnalités alsaciennes expriment ce qu’est l’Alsace pour elles aujourd’hui, 67 ans après la première publication du texte de Hoffet. Elles sont réalisées par Noa Roquet, arrière-petite-fille de Frédéric et petite-fille de Jean-Louis, étudiante en cinéma à la Sorbonne . Les pixels détrônent l’édition brochée et jaunie de chez Flammarion.

Les registres sont variés et les thématiques complémentaires, mais des invariants traversent les témoignages comme la langue maternelle, l’Histoire, l’incarnation de l’Europe, l’enracinement et l’ouverture.
Pour visionner les vidéos, survolez la mosaïque et cliquez sur les boutons de chaque portrait. Chacune des 12 vidéos fait 1mn30. La question : "Et aujourd'hui, qu'est-ce que pour vous l'Alsace ?"

Pour Kinan Alzouhir, chanteur d’opéra, réfugié syrien en Alsace depuis trois ans, Strasbourg partage des « choses particulières » avec Damas. Cyrille Schott, ancien préfet du Haut-Rhin, voit sa « petite patrie natale » comme « la terre du miracle de la paix européen ». Odile Uhlrich-Mallet, adjointe au maire de Colmar, décrit le comportement de l’enfant adoptif que Frédéric Hoffet développe dans son ouvrage en rappelant « le balancement » endémique entre « révolte » et « gage de patriotisme ».
Jean Rottner, président du conseil régional Grand Est, invite l’Alsace « à s’ouvrir », « à conquérir le monde » et « à n’avoir aucune peur ». Brigitte Klinkert, présidente du conseil départemental du Haut-Rhin, relève quant à elle que « le bassin de vie de l’Alsace est le bassin rhénan ». Catherine Trautmann, ancienne maire de Strasbourg et ministre de la Culture, évoque « la nécessité » pour l’Alsace « de peser » face au Bade-Wurtemberg, au Luxembourg, à la Bavière et à la Suisse.

« Une région formidable»
Opposant au Grand Est, Pierre Kretz observe pour sa part « une région qui se défend et prend conscience d’elle-même de manière différente et décomplexée ». « Une région formidable parce qu’il y a un renouveau démocratique et une vigilance citoyenne », estime l’écrivain et ancien avocatJean-Marie Woehrling, président du Centre culturel alsacien et ancien président du tribunal administratif, souligne « la vocation biculturelle, bilingue et transfrontalière » de l’Alsace en plein débat sur son avenir institutionnel.

Arsène Wenger, entraîneur d’Arsenal pendant 20 ans, parle de sa « fierté » de se sentir européen qui lui a donné « envie de fraternité et de voyages ». Mais aussi du « club de foot dans tous les villages », « du Racing et de la Meinau », et « de l’absence de l’Alsace à Noël » qu'il ressentait quand il vivait à l’étranger.

Pour Frédérique Neau-Dufour, directrice du Centre européen du résistant déporté basé au Struthof, l’Alsace est « le point d’interrogation de la France » qui « renvoie le pays à tous ses fantasmes sur le plan historique et à tous ses marqueurs identitaires ». L’historienne cite la langue, la centralisation et la religion.

«On a une identité et on a envie de la partager »
C’est une part plus intime que nous dévoile Clémence Zeller, architecte et fille d’Adrien Zeller, en parlant de la transmission d’une culture à ses enfants en dehors de la terre d’origine. « Il suffit de déménager pour se rendre compte qu’on a une identité et qu’on a envie de la partager », remarque l’Alsacienne de Paris.

« L’alsacien est ma langue maternelle qui a ceci de singulier qu’il est extrêmement accueillant, et qui fait que celui qui le parle devient lui aussi peu à peu accueillant et n’aime pas trop les frontières », explique Michel Wackenheim, archiprêtre de la cathédrale de Strasbourg, qui se sent « avant tout Européen ».

«Le sens inné de l’étranger»
Cette dimension ressurgit quand on interroge Noa Roquet sur l’actualité du texte de son arrière-grand-père. « L’Alsace est un peuple qui peut comprendre la douleur de l’exil avec un regard du passé. C’est une richesse pour entendre celles et ceux qui arrivent aujourd’hui chez nous », souligne la jeune femme.
À la fin du livre, son aïeul note que « l’horizon de l’Alsacien dépasse celui des deux nations dont il est l’héritier. Il a une ouverture d’esprit qui lui permet de pénétrer les civilisations les plus variées. Il a le sens inné de l’étranger. » Frédéric Hoffet l’écrit, Noa Roquet le révèle.

DNA 21 octobre 2018