vendredi 1 juillet 2022

Valentin Kieffer (bac 2010) : les langues ouvrent les portes du monde

 Valentin revient sur ses années de formation, avec l’expérience de son parcours : s’il souligne combien il importe d’acquérir un solide bagage en langues dès le lycée, grâce aussi aux échanges, il pointe aussi les différentes facettes du métier d’ingénieur selon le type d’entreprise. Il insiste par ailleurs sur l’intérêt de diversifier sa formation pour bénéficier d’un choix professionnel supérieur à côté d’un enrichissement de son bagage personnel.

 Quelle a été votre formation initiale ?

 J’ai absolument adoré ma scolarité au Gymnase : elle a été, avec ma dernière année de master, la période la plus heureuse de ma scolarité. La composition de ma classe est restée peu ou prou la même de la seconde à la terminale, probablement du fait que mes camarades et moi suivions tous les mêmes options (anglais & allemand renforcés, espagnol, latin etc.). Cela a créé un solide groupe d’amis qui ont tout vécu en commun pendant trois ans : non seulement le quotidien des cours au Gymnase, mais aussi les nombreux voyages scolaires, les soirées organisées par l’un ou l’autre qui ressemblaient à des repas de classe… quel bonheur !

 Pour moi qui me considérais plutôt comme scientifique et qui n’avais jamais éprouvé de réel intérêt pour les autres disciplines plus littéraires, la rencontre de professeurs de français et d’histoire exceptionnels au Gymnase a été très importante pour mon parcours personnel. Je pense à Monsieur Peter (français, en 1ère) et Madame Sadowski (histoire, en terminale), avec qui j’ai par exemple découvert la pensée des Lumières ou encore les mécanismes conduisant à des guerres et mille autres choses essentielles à la compréhension de notre société. Je suis très reconnaissant pour ces apports, grâce auxquels j’ai développé un vif intérêt pour les sciences sociales. Au point que, malgré mes études post-bac scientifiques et mon métier essentiellement technique, je m’intéresse actuellement bien plus à l’histoire, à la politique et aux questions sociales qu’à la science et à la technologie.

 Le Gymnase donne à ses élèves les moyens de s’ouvrir au monde et d’atteindre un très bon niveau en langues étrangères, ce qui m’a grandement servi dans ma trajectoire professionnelle. Les 5 heures d’allemand et 5 heures d’anglais hebdomadaires m’ont permis de faire des langues un atout qui m’a avantagé lors des concours des grandes écoles d’ingénieurs, puis dans ma candidature à un master dans une université anglaise, et enfin dans ma recherche de travail puisque je travaille en Suisse allemande et que mon métier nécessite également une bonne maîtrise de la langue anglaise. Les échanges organisés avec des lycéens étrangers (à Chicago en 2nde puis à Londres en 1ère et en Terminale) permettant une immersion totale chez des locuteurs anglais ont été extrêmement bénéfiques ; je dirais qu’une journée sur place vaut une semaine de cours de langue !

 
La seule chose que j’aurais aimé trouver plus au Gymnase, c’est encore plus d’opportunités d’échanges avec des jeunes à l’étranger. Bien-sûr, l’organisation d’échanges et de voyages est lourde pour les professeurs et il serait déraisonnable d’attendre d’eux qu’ils en organisent plusieurs par an. On pourrait toutefois imaginer que le Gymnase donne un coup de pouce aux élèves souhaitant encore plus d’échanges en facilitant la mise en relation avec des jeunes à l’étranger. Par exemple, des élèves prêts à partir en échange et à accueillir en retour un jeune étranger pourraient en informer le Gymnase, qui relaierait l’offre dans un lycée étranger avec lequel il entretient des contacts. Ceci permettrait à des jeunes désireux d’échanger d’être mis en relation, charge à eux ensuite de financer et d’organiser eux-mêmes leur voyage sur leurs vacances scolaires.

 Et après le Gymnase ?

 Mon parcours dans les grandes lignes :- 2 années de classe préparatoire scientifique au lycée Kléber de Strasbourg ;


- 2 années à l’École Centrale de Marseille (formation d’ingénieur généraliste) ;

- 1 an en double diplôme à l’Imperial College de Londres (spécialisation en sciences des matériaux et
biomatériaux).

J’ai obtenu à l’issue de ces 5 ans d’études simultanément le diplôme d’ingénieur de l’École Centrale et un Master of Sceince (MSc) de l’Imperial College London.

 Au début de mes études, mon objectif était de devenir ingénieur, sans savoir précisément dans quel domaine. J’imaginais que le métier d’ingénieur mêlait réflexion théorique et tâches pratiques (essais en laboratoire, dans l’usine ou sur le terrain) et cela m’attirait beaucoup. Au cours de mes études et des stages que j’ai effectués en entreprise, j’ai découvert qu’en réalité, ces deux aspects (théorie/pratique) étaient souvent divisés en deux métiers bien distincts : aux ingénieurs la réflexion théorique pour innover, développer des protocoles expérimentaux et interpréter les résultats et aux techniciens l’exécution de toutes les tâches pratiques selon les consignes des ingénieurs. Cette dichotomie (réfléchir sans faire ou faire sans réfléchir) m’a déçu et m’a poussé à chercher une alternative au métier classique d’ingénieur.

J’ai trouvé cette alternative par hasard, lors d’un forum des carrières dans mon université anglaise : le domaine des brevets, qui mêle les aspects technique et juridique. Je travaille actuellement en tant que


conseil en brevets en profession libérale dans un cabinet de conseil en propriété intellectuelle. Concrètement, les entreprises qui innovent font appel à nos services pour rédiger, déposer et défendre leurs brevets. J’apprécie mêler les aspects technique et juridique ainsi que la variété des inventions sur lesquelles je travaille, nos clients étant actifs dans des domaines techniques très différents.

 Je souhaite préciser qu’au cours de mes études, j’ai effectué tous mes stages dans de grandes entreprises du secteur aéronautique et naval car j’étais attiré par leur prestige. Je pense que la stricte division des tâches que j’y ai constatée est le résultat de l’extrême rationalisation du travail et de l’optimisation poussée de la main d’œuvre qui caractérise toutes les grandes structures : à chacun ses compétences et donc sa tâche bien définie. J’ai découvert entre temps que la situation est très différente dans les PME, où les ingénieurs sont moins nombreux, plus précieux et multi-tâches, mêlant effectivement la réflexion théorique et les tâches pratiques. Le métier d’ingénieur me paraît donc plus épanouissant lorsqu’il est exercé au sein d’une PME.

 Quels conseils pourriez-vous donner ?

 a) Pour ceux qui souhaitent s’engager dans des voies compétitives, misez sur les langues! La bonne maîtrise d’une ou plusieurs langues étrangères est une compétence qui est évaluée très fréquemment, aussi bien au cours des études que dans le monde professionnel. Avoir un bon niveau de langue procure un avantage comparatif et augmente les chances de réussite au concours, d’intégrer des formations sélectives et ouvre des opportunités professionnelles. Par exemple, les concours des écoles d’ingénieurs et des écoles de commerce comportent tous des épreuves dans une ou deux langues étrangères qui sont l’occasion de grappiller des points. L’obtention du diplôme d’ingénieur est soumise au passage d’une certification de niveau d’anglais et à un séjour d’au moins 6 mois à l’étranger. Intégrer une université étrangère pour y suivre une formation nécessite souvent le passage d’une certification de niveau dans la langue concernée. Lors de la rédaction du mémoire de master ou d’une thèse de doctorat, il est nécessaire de lire un grand nombre d’articles universitaires souvent écrits en anglais. Enfin, l’Alsace est une zone frontalière avec deux pays germanophones très dynamiques économiquement et gros pourvoyeurs d’emplois pour les alsaciens, il serait dommage de se priver des opportunités professionnelles qu’ils offrent à cause d’un mauvais niveau d’allemand !

 b) Misez sur les langues au lycée ! Les études post-bac sont très centrées sur le domaine que l’on choisit d’étudier et n’accordent que très peu d’importance à tout le reste. C’est particulièrement le cas des langues, qui sont négligées dans le parcours de formation des ingénieurs. Ce n’est évidemment pas en classe préparatoire que l’on progressera en langues, tout l’effort étant focalisé sur les matières scientifiques, et en école d’ingénieurs, le volume horaire dévolu aux langues n’est que symbolique. Pourtant, la maîtrise des langues vivantes reste un critère de sélection important. Concrètement, le niveau des cours d’anglais et d’allemand que j’ai suivis en Terminale au Gymnase dépasse de loin le niveau de tous les cours de langue auxquels j’ai assisté au cours de mes études post-bac et j’ai été très avantagé par mes acquis du lycée.

 
c) Diversifiez votre formation ! Choisissez les études qui vous plaisent (droit, médecine, commerce, sciences, sport, lettres…) puis saisissez toutes les opportunités qui se présentent pour obtenir une formation complémentaire dans un autre domaine. Votre profil sera alors très recherché dans les milieux se situant à l’interface entre les deux domaines que vous avez choisis. Ce sont souvent de petits milieux de niche offrant un travail intéressant et bien rémunéré. Par exemple, une amie du lycée a suivi ses études de pharmacie avec une formation complémentaire en droit, et travaille maintenant dans le milieu du droit pharmaceutique. Moi-même, j’ai une formation d’ingénieur avec une formation complémentaire en droit et je travaille dans le domaine des brevets. Une autre voie plus connue est de compléter une formation d’ingénieur par une formation en management et finance (par exemple MBA) pour prétendre à des postes de direction dans des grandes entreprises.


 Et pour des poursuites de parcours dans un pays autre que la France ?

 À l’issue de mes études, je souhaitais trouver mon premier travail et habiter à l’étranger, car j’aime beaucoup évoluer dans une langue et dans un environnement différents de ce que je connais. Comme je ne souhaitais tout-de-même pas trop m’éloigner de ma famille en Alsace, j’ai cherché un emploi en Allemagne et en Suisse. Je travaille depuis en Suisse et j’en suis très content, entre autres pour la rémunération qui est nettement plus élevée que celle que je pourrais toucher en France. Travailler en Suisse est une excellente opportunité que je recommande à tous ceux qui sont tentés par l’expérience. Attention toutefois au revers de la médaille, si l’on habite en France et que l’on se rend en Suisse quotidiennement : les trajets peuvent être longs et si l’on souhaite les écourter en se relocalisant près de la frontière, les prix de l’immobilier y sont extrêmement élevés du fait de la forte proportion de frontaliers.