samedi 2 avril 2022

Marc Lucius, le Gymnasien qui a évacué 3 000 personnes des Hospices Civils de Strasbourg vers la Dordogne en 1939, pour échapper à la guerre.

 Un livre récent de Christophe Woehrlé (La Cité silencieuse – Strasbourg Clairvivre 1939 -1945) vient de mettre en lumière le travail de Marc Lucius, gestionnaire des hospices civils de Strasbourg puis de Clairvivre, qui mena une lutte incessante pour sauver des vies, celles de ses malades, des juifs et des résistants.

Né en 1888 à Strasbourg, Marc Ferdinand Lucius est élève du Gymnase comme ses trois frères. Après sa scolarité de 1894 à 1906 , il poursuit ses études à la faculté de Droit et de Sciences politiques de Strasbourg où il obtient son doctorat en droit. Entre autres responsabilités importantes, il est très impliqué dans la Chambre de commerce de Strasbourg, dont il est secrétaire général jusqu’en 1958.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu'il est administrateur délégué et vice-président des Hospices civils de Strasbourg, il est nommé dans l'urgence à la direction de ces derniers. Marc Lucius gère l'évacuation et la gestion des Hospices à la cité-sanitaire de Clairvivre.

En 1940, il refuse de revenir en Alsace annexée et prend la direction administrative de l'Hôpital des réfugiés de la Dordogne au sein duquel il protège les personnels juifs administratifs et médicaux et évite le départ au STO des jeunes de la cité-sanitaire. À la fin de la guerre, l'établissement qu'il dirige est surnommé l'Hôpital de la Résistance.

L’histoire de cet homme, Marc Lucius, oublié de l’histoire, fonctionnaire dévoué à la cause des siens, de son institution et de sa patrie a été mise en lumière par Marc Woehrlé, comme le détaille un article des Dernières Nouvelles d’Alsace du 30 mars 2022. 

En voici des extraits :

L’épisode douloureux de l’évacuation
des hospices civils de Strasbourg vers Clairvivre

…. Le comité du Souvenir Français avait convié l’historien Christophe Woehrlé pour une conférence sur l’évacuation des hospices civils de Strasbourg en Dordogne, lors de la Seconde Guerre mondiale.

Le sujet, sensible, a réuni une cinquantaine de participants soucieux de connaître les tribulations des malades hospitalisés à Strasbourg durant le grand exode imposé à une partie de l’Alsace, particulièrement exposée à l’avancée des troupes de la Wehrmacht allemande. Une épopée douloureuse relatée par Christophe Woehrlé dans son ouvrage La Cité silencieuse- Strasbourg Clairvivre - 1939-1945.

3 000 personnes, malades et membres du personnel, déplacées

Placées sous la responsabilité de Marc Lucius, directeur général de l’établissement, 3 000 personnes

des hospices civils, malades et membres du personnel, ont été déplacées vers la cité sanitaire de Clairvivre, en Dordogne. Les malades les plus gravement atteints avaient été évacués momentanément dans un hôtel du Hohwald. Les autres ont été acheminés vers la Dordogne dans des trains spécialement dédiés. Début octobre 1939, le gros des hospices civils était arrivé à la cité sanitaire qui abritait alors des malades des poumons, d’anciens militaires gazés lors du conflit 1914-18 et des miliciens espagnols blessés. Ces occupants ont été dirigés vers d’autres établissements afin de laisser la place aux Alsaciens.

Clairvivre est un complexe immobilier situé en plein milieu des forêts de la vallée de la Vézère, composé de pavillons et d’un grand immeuble collectif. Pour les nouveaux arrivants, l’installation fut une épreuve difficile, le choc culturel entre Alsaciens et autochtones fut rude et la barrière de la langue n’arrangeait pas la communication. Par la suite, la cité devint l’« Hôpital des réfugiés de la Dordogne » où juifs, réfractaires au Service du travail obligatoire (STO), handicapés et maquisards trouvèrent refuge.

Plaque commémorative

Le cimetière des réfugiés, créé à l’époque, a reçu les sépultures de défunts de 19 nationalités et de 5 religions différentes. Christophe Woehrlé en a dressé une liste exhaustive afin d’éviter que les noms de ceux qui sont morts lors de leur passage à Clairvivre ne tombent dans l’oubli. Un véritable devoir de mémoire.

Un moment d’échange avec l’auteur a permis aux participants de plonger dans l’ambiance de l’exode tragique qui a vu tant d’Alsaciens rallier la Dordogne. Il a également permis de découvrir l’engagement exceptionnel de l’humaniste Marc Lucius (1888-1962), administrateur des hospices civils qui n’a eu cesse de préserver la dignité de la population évacuée. En hommage à son investissement, une plaque commémorative sera apposée le 23 avril à son domicile, rue des Pontonniers à Strasbourg, par le Comité de Clairvivre, en présence de la délégation des porte-drapeaux.

Professeur d’histoire et de géographie, Christophe Woehrlé est docteur en histoire contemporaine de

l’Otto-Friedrich-Universität de Bamberg (Allemagne) et professeur de paléographie allemande au sein de l’académie européenne de généalogie de Strasbourg. Il est aussi membre de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts d’Alsace, président de l’association Stolpersteine en France ainsi que de l’association Mémoire et histoire des tombes roumaines en France.

L’ouvrage La Cité silencieuse – Strasbourg Clairvivre 1939 -1945 a été primé par l’Académie des Sciences, Lettres et Arts d’Alsace (Prix de la Décapole 2020) et par la Société française d’histoire des hôpitaux qui lui a décerné la médaille d’or en 2020.

L’ouvrage La Cité silencieuse – Strasbourg Clairvivre 1939 -1945 a été primé par l’Académie des Sciences, Lettres et Arts d’Alsace (Prix de la Décapole 2020) et par la Société française d’histoire des hôpitaux qui lui a décerné la médaille d’or en 2020.

Davantage de précisions sur le parcours remarquable et très divers de Marc Lucius en :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Marc_Lucius