Bockel et la chocolaterie ...
Ne vous demandez plus si les Alumni sont gourmands : c’est un oui définitif. Quand on les invite à visiter la chocolaterie Jacques Bockel à Monswiller, ils débarquent en nombre (une trentaine), et certains posent même un jour de congé pour l’occasion !
Les
pires sont ceux qui ont traîné une bonne demi-heure à la fin de la visite dans
le magasin attenant, hésitant entre talons-aiguilles chocolatés à croquer et
tablettes kamasutra à euh... étudier (inutile de nier). Bien sûr, ils vous
diront que s’ils s’attardaient, c’était pour profiter encore un peu de la vue
directe sur les ateliers, mais ne soyez pas dupes ! Leurs paniers étaient
remplis à ras bord. Certains arriveront d’ailleurs en retard à la réunion du comité
de Gymnase Alumni le soir même, prétextant des difficultés liées au trafic.
Ba-li-ver-nes !
Et pourtant, à dire
vrai, cela commençait mal. Dans le hall façon plantation de cacaoyers, on nous
a annoncé que le patron en personne, Jacques Bockel, allait s’occuper de nous.
Mais point d’usine ici, ni de « semi-industriel ». Un éminent Alumni n’avait d’ailleurs pas fini d’articuler ce terme au détour d’une pourtant intéressante question (sur le marché du chocolat) que le maître des lieux, artisan de son état, était déjà prêt à en découdre.
Mais si Jacques Bockel parle fort (et l’on dira même plus : rares sont ceux dont la voix porte autant) voire impressionne du haut de ses cent kilos, c’est en réalité un généreux transmetteur de passion, un autodidacte qui dit ce qu’il sait et qui reconnaît quand il ne sait pas, un grand cœur à l’humour un peu potache sous ses airs de patron coriace à qui on ne la fait pas (« c’est quoi ce travail de bourrin ! »), entre deux expressions en alsacien pour bien ancrer la boutique. Ses salariés le lui rendent bien : quasiment zéro turnover. Bockel, c’est aussi et surtout un communicant hors pair.
La
chocolaterie, donc. Une grande pièce, des machines un peu partout, de toutes
tailles, de toutes formes. L’odeur, entêtante : le cacao, ici, on le
sniffe. Des chocolatiers s’affairent.
Les unes peignent sur
chaque moule les habits des pères Noël (exclusivement aux colorants naturels),
d’autres façonnent les châtaignes. Tiens, savez-vous comment on reproduit en
chocolat les piquants des châtaignes ? Non ? Nous, si ! Mais
chut, c’est un secret.
Ici,
certains confectionnent des pralinés avec le décor qui va bien ; là, on pilote
une machine ultramoderne qui produit en une seule passe à la fois l’intérieur
et l’extérieur des fameux Männele en chocolat. Inutile de préciser que l’on
déguste un peu tout ce que l’on voit, le chef a le cœur sur la main, on l’a
dit.
Plus loin, l’atelier moulages avec ses fontaines de chocolat (le top, ce sont les moules aimantés que l’on assemble sans pinces), et voici que chaque Alumni est amené à garnir de fruits secs et autres friandises une tablette 63 %. Passons sur ceux qui ne décorent pas, qui en mettent trop, qui oublient d’ajouter leur nom : de vrais gamins ces Alumni, on se croirait à l’école !
D’ailleurs, les ex-élèves ne se privent pas de quémander les trucs et astuces du maître, qui ne manque pas de répondant : « Eh oui ma brave dame, votre ganache elle ne brille pas parce qu’il faut mettre la crème chaude dans le chocolat froid, pas l’inverse. »
« Pour vos orangettes, il faut du chocolat tempéré [il trace de la main la courbe de température] : un tiers de chocolat râpé dans le chocolat fondu, et c’est réglé ! » Sans oublier le « Comment, vous n’avez jamais nappé de chocolat un gâteau ?! ». Bah non m’sieur, on avait la pâtisserie Christian juste en face.
Au
fil de la visite, il nous prend sous son aile et on le lui rend bien : l’alchimie
opère, et hop, on mérite de faire un petit détour imprévu du côté de l’atelier
de torréfaction. Depuis deux mois, Jacques Bockel ne se contente plus d’acheter
du chocolat de couverture prêt à l’emploi, mais torréfie, meule, et surtout
conche lui-même ses fèves de cacao.
On
savait déjà tout sur les cabosses, le décabossage, le mucilage, la fermentation
des fèves et leur séchage, grâce à un documentaire de vingt minutes en début de
visite (pas sur une petite télé de salon, mais sur écrans géants à 180
degrés... c’est un communicant on vous dit !).
Et maintenant,
dans une pièce couleur café, bronze et brique rouge à la lumière tamisée, nous
découvrons les secrets de la torréfaction. Mais nous garderons ça pour nous,
puisque vous pourrez vous y initier lors d’une des soirées dînatoires ambiance
jazzy bientôt au programme.
Encore un petit
creux ? Allons voir du côté du réacteur nucléaire de Bockel, l’atelier
dans l’atelier, celui qui fabrique le copié mais jamais égalé... Nut’Alsace. Un
genre de Nutella qui carbure au colza (oui mon bon monsieur, l’huile de
noisette ne suffit pas).
Là,
nous sommes accueillis par un expert, « Monsieur Nut’Alsace » en
personne. Mais oui, souriez, souriez : 800 kilos au démarrage et 60 tonnes
maintenant ! Noisettes du Piémont ou noisettes françaises, goût corsé, au
maltitol ou avec du lait : c’est l’embarras du choix.
Oui
c’est gras, oui c’est sucré, oui ça stimule le circuit neuronal de la
récompense qui fait que l’on finit le pot juste après l’avoir commencé, on
sait.
Mais
on va pas en faire une tablette !
Récit d’Antonio Lagala
12/11/2018.