mardi 26 décembre 2023

L'action de Noël: "voir un enfant sourire, ça n'a pas de prix"

Depuis plusieurs années, le Gymnase organise une action de Noël en faveur d’enfant de Cronenbourg-
Cité. A travers une collecte de jouets, il soutient l’action « Osons croire ensemble ! », menée depuis plus de 30 ans par le pasteur Gérard Haenel et l’association «Les Disciples». 

« L’idée, c’est que chacun achète ou donne un cadeau pour un enfant dont il a le prénom. Les jouets collectés sont rassemblés et distribués », explique la professeure, qui participe à cette opération depuis ses débuts.

 De leur côté, les jeunes se sont investis car ils ont « conscience qu’ils ont de la chance ». Ainsi Clémence estime-t-elle que participer à cette action, « c’est une forme de reconnaissance envers ce que la vie nous a donné » et que « d’autres n’ont pas », tandis que Ninon affirme que « voir un enfant sourire, ça n’a pas de prix ».

Cette année des jouets ont pu être distribués à plus de 300 enfants dans leurs familles le samedi 16 décembre. Dès 15 heures, répartis en petits groupes, des lycéens pour la plupart, munis de grands sacs, ont sonné aux portes des immeubles inscrits sur leur parcours

 Plus qu’un compte rendu, voici quelques témoignages de participants :

 D’une accompagnatrice, Nathalie R., Professeure d'Allemand

Cela a permis d'apporter un peu de magie dans la vie des enfants de ce quartier. La générosité et la disponibilité des parents, des élèves et des enseignants du Gymnase a été un élément clé de cette initiative réussie. Leur soutien indéfectible a permis de réaliser une action sociale forte.

Au-delà des cadeaux offerts, cet événement a permis de renforcer les liens sociaux. Les résidents ont pu bien souvent accueillir avec petits gâteaux et cafés les élèves encadrés par des professeurs ou des parents. Il y a eu de véritables moments d'échanges de rires et de partages.

 Les participants ont été touchés par l'énergie positive et la gratitude palpable des habitants. En conclusion, cette distribution de cadeaux a été bien plus qu'un simple acte de générosité. Elle a répandu la joie, la chaleur humaine et a laissé une empreinte positive aussi bien sur chaque enfant que sur chaque élève, parent et professeur, chacun ému par tant de solidarité.

 Cet événement restera à jamais gravé dans ma mémoire de nouvelle professeure dans ce magnifique établissement du Gymnase, nul doute qu'il restera également gravé dans la mémoire des enfants et parents, leur rappelant que l'espoir et le bonheur sont à portée de main, grâce à la solidarité de tous.

 D’une élève, Clémence P. de 1°9

Accompagnée de Ninon, Emmanuel, Romain, Maxime et ma professeur de mathématiques Madame Bachschmidt, nous avons porté des cadeaux de Noël à des familles de la cité nucléaire de

Cronenbourg. Je me souviens d'une famille géorgienne où la mère ne parlait pas bien français. Le hasard a voulu que Maxime et Romain parlent russe, créant ainsi un lien avec des personnes que nous n'aurions probablement pas rencontrées autrement.

Le simple fait d'observer des sourires sur les visages des enfants et des parents n'a pas de prix. Cette expérience m'a incitée à réfléchir sur la chance que nous avons et la reconnaissance que nous devrions avoir envers la vie. La joie partagée dans ces rencontres souligne la véritable valeur des liens humains. Je pense que le bonheur devrait être une constante quotidienne accessible à tous.

D’une mère d’élève , Laureline D.

Bonsoir Mme Bachschmidt, je suis la belle-maman de Loan T. et je reviens vers vous concernant mon témoignage, suite à la journée de samedi.

Cette journée a été pour moi une journée chargée en émotions. Tout d'abord, j'ai été particulièrement émue de voir des jeunes comme Loan s'investir pour les autres, prendre du temps pour aller à la rencontre de "l'autre". Je vous remercie de leur permettre de s'ouvrir aux autres, d'exprimer et de cultiver les valeurs qu'ils portent.

J'ai vraiment eu le sentiment de vivre pleinement l'esprit de Noël à travers les chants, le partage avec les bénévoles et les familles visitées, les yeux émerveillés des enfants, l'ouverture à d'autres cultures et la générosité des familles que nous avons visitées, souvent victimes de préjugés.

Quel bonheur de voir ma belle-fille émue de revoir deux petites filles à qui elle avait déjà offert un cadeau l'année dernière, comme si un lien se créait. Lorsque nous sommes touchées par une famille, des enfants, c'est dur de se dire que notre "mission" s'arrête là, nous aurions envie de faire bien plus et de garder un lien.

 Au plaisir de vous revoir lors d'une prochaine journée de partage.

jeudi 21 décembre 2023

« Strasbourg, l’attentat oublié » : des lycéens du Gymnase lancent un podcast pour se souvenir

Plus d’une centaine d’élèves, de parents, d’élus et de personnalités étaient présents dans l’amphithéâtre du Gymnase le 8 décembre pour le lancement du podcast sur l’attentat du 11 décembre 2018, podcast réalisé par un groupe d’élèves très investis dans ce devoir de mémoire.

L’écoute attentive du premier épisode, commenté par les élèves, a été suivi par les témoignages, souvent poignants, d’acteurs directement impliqués comme le chauffeur de taxi pris en otage ou l’un des policiers coordonnateur du dispositif de sécurité et de recherche du terroriste.

 L’article d’ Alizée Chebboub-Courtin, paru dans les DNA du 8 décembre 2023 permet de mieux comprendre cette aventure très particulière.

 

Onze élèves de première du Gymnase ont réalisé un podcast sur l’attentat strasbourgeois du 11 décembre 2018. Enquête, interviews, documents d’archive… Le premier épisode de ce travail de mémoire est sorti à l’occasion du cinquième anniversaire du drame, lundi 11 décembre 2023.

Les lycéens travailleront jusqu’en mars pour réaliser quatre épisodes, dont le premier sera disponible lundi prochain sur Arte Radio. 

Prompteur devant les yeux, casque sur les oreilles et micro devant les lèvres, Martin finit d’enregistrer la voix off du premier épisode du podcast Strasbourg, l’attentat oublié. Lui et dix de ses camarades du Gymnase se sont lancés dans une enquête pour retracer les évènements du 11 décembre 2018et en voir


les répercussions. « L’idée de ce projet vient de notre proviseur, Philippe Buttani. Il est entré en contact avec Mostafa Salhane, le chauffeur de taxi
 qui avait été pris en otage par le terroriste Chérif Chekatt et a voulu faire quelque chose autour de son récit », se souvient Amélia, une des participantes.

Quatre épisodes d’une trentaine de minutes

Depuis deux mois, le petit groupe se réunit tous les jeudis midi et parfois sur leur temps libre pour construire ce podcast qu’ils considèrent comme un devoir de mémoire. « En 2018, lors de l’attentat, nous n’avions que onze ans. C’est l’occasion de mieux comprendre ce qu’il s’est passé, de contextualiser et de parler avec des gens qui l’ont vécu », décrit Julie.

Le podcast sera constitué de quatre épisodes qui seront diffusés chaque onze du mois, à partir du lundi 11 décembre, date anniversaire du drame. Si le premier sert à contextualiser l’attentat et leur travail, le deuxième reconstituera les événements du soir. Les épisodes trois et quatre permettront de questionner les conséquences sur le court, puis le long terme. Que nous reste-t-il de cet événement en 2023 ? Qu’en est-il des victimes aujourd’hui ? Pourquoi parle-t-on moins de cet attentat que de ceux de Paris ou Nice ?

 Le témoignage du chauffeur de taxi en fil rouge

Parmi les témoignages du premier épisode, celui du chauffeur Mostafa Salhane, qui servira de fil rouge pendant tout le podcast, mais également ceux de la journaliste Yolande Baldeweck et d’une des élèves. « J’habite juste au-dessus de la rue des Orfèvres, où il y a eu des tirs. C’est un événement qui m’a personnellement marqué. Cet atelier est une chance de témoigner et de rencontrer des gens qui ont également vécu ça de près », raconte Isidora.

 La moitié des élèves du groupe font également partie de l’option « Audiovisuel », ils ont partagé avec leurs camarades leurs connaissances en montage.

Comme le rappelle fièrement leur directeur, les élèves ont tout fait de A à Z, « des interviews à la musique du podcast en passant par la recherche d’archives, le visuel, la communication, la voix off, la prise de son, le montage… ». Auprès d’eux, l'artiste Elisa Sanchez, « sans qui rien n’aurait pu être possible ! », insistent les élèves.

S’il leur reste trois épisodes à réaliser, ils sont déjà heureux de s’être lancés dans le projet : « Nous apprenons à faire du montage, à interviewer et aussi à travailler en groupe, avec chacun une tâche importante dans le processus », énumère Eva, en charge de la communication. L’occasion aussi de découvrir la forme du podcast : « Passer par le son est un bon moyen pour libérer la parole. Il n’y a pas la peur de l’image, donc les gens se confient plus », analyse Salomé. « J’ai découvert qu’on pouvait vraiment faire passer beaucoup de choses uniquement avec du son », rajoute Eden qui a passé du temps sur le montage. L’épisode est diffusé ce jeudi soir en avant-première à l'occasion d’une soirée hommage.

Suivre le projet sur Instagram : podcast.legymnase. Retrouvez tous les 11 du mois un épisode de Strasbourg, l’attentat oublié sur audioblog.arteradio.com


vendredi 1 décembre 2023

La promotion 1967 à l’assaut du Parlement Européen

 

Voici les représentants de cette dynamique promotion, parfois accompagnés de leurs conjoint(e)s

Guy Bleicher, Marie-Christine Brill-Widmann, Doris Franckhauser, Jean Kauffmann, Daniel Kempf, Laurence Kientzel-Philipps, Claude Klein, Théo Klumpp, Françoise Laroche, Robert Mall, Martine Rentz Zillhardt, Hubert Riff, Sylvie Schaub-Pfeiffer, Bernard Steffner, Marc Weber, Jean-Daniel Wurtz et Jean-Martin Wurtz

Le Vendredi 27 Octobre 2023 au matin, une trentaine d’anciens élèves du Gymnase Jean Sturm (bac 1967) s’est retrouvée pour leur sortie devenue habituelle avant le Covid. Ce fut la 1ère rencontre depuis l’épidémie. L’émotion était donc grande de se revoir. Cette année, il s’agissait de visiter le Parlement Européen.

            Madame Fabienne Keller, eurodéputée devait nous recevoir , nous guider à travers le bâtiment et nous expliquer le fonctionnement de cette Institution. Malheureusement elle a dû annuler le rendez-vous car appelée en dernière minute à une réunion dans la région parisienne par Madame Borne, Première Ministre.

            Nous avons été pris en charge par un guide du Parlement qui ,avec beaucoup de gentillesse, nous a (à l’aide d’une maquette) expliqué la chronologie de la construction du bâtiment, nous a permis de visiter tous les étages, y compris l’hémicycle où se retrouvent 4 jours par mois les parlementaires pour les séances plénières .Nous avons même eu droit à une photo de groupe devant les drapeaux des différentes nations, ce qui nous a permis de nous  prendre pendant quelques instants pour des parlementaires européens.

            Puis nous avons été reçus par l’attaché parlementaire de Fabienne Keller, Clément Heberle: il nous a passé une petite vidéo où elle s’excuse de nous avoir faux- bond et où elle nous explique son rôle et ses missions au sein du Parlement. Il a ensuite répondu avec beaucoup de patience à toutes les questions qui nous passaient par la tête.

            Après ces moments « sérieux »,nous avons pu déjeuner au sein de l’établissement: buffet froid en entrée, plat chaud et buffet de desserts étaient au menu ,accompagnés de crémant en guise d’apéritif, de vins rouges et blancs, d’eau et de café.

            Le repas s’est un peu prolongé et chacun est rentré chez soi en espérant que la prochaine revoyure aura lieu avant 4 ans.

             Doris Franckhauser

 


Ornella Franzon-Bisquay, d'élève du Gymnase (bac 2004) à avocate d'affaires à l'île Maurice

Ornella nous partage sa trajectoire particulière après sa scolarité au Gymnase ainsi que quelques conseils tirés de son expérience internationale.

Mes années Gymnase

Arrivée au Gymnase en 2001, en classe de Seconde, je me suis immédiatement sentie dans mon élément. J’y ai rencontré des personnes qui sont devenues mes meilleures amies et dont je suis toujours aussi proche aujourd’hui, 20 ans après avoir passé mon bac.

Le corps enseignant est particulièrement dévoué à ses élèves et je profite de cette tribune pour remercier particulièrement : M. Jean-Michel Schaetzel, qui m’a donné confiance en moi et m’a convaincue de m’écouter et de partir en filière littéraire ; Mme Delphine Léonardis, qui a nourri mon amour des lettres ; Mme Laeticia Ascencio, qui m’a si bien transmis son attachement pour l’Espagne et la langue de Cervantès ; M. Damien Reinhardt, pour son enseignement d’un anglais imagé et riche qui me sert encore aujourd’hui.

Outre la qualité incroyable de l’enseignement dispensé, j’ai été frappée par l’accent mis sur la bienveillance et le développement des relations entre élèves, comme l’organisation d’un week-end d’intégration en Seconde pour qu’anciens du Gymnase et nouveaux arrivants se mélangent plus facilement. L’offre culturelle était elle aussi au rendez-vous. Dès ma première année au Gymnase j’ai rejoint la troupe de théâtre du regretté Charles Giraud. Là encore l’alchimie s’est faite et nous avons même tourné et réalisé un film entre élèves pendant les vacances d’été, inspirés par le premier acte d’une pièce de Ray Cooney jouée lors du spectacle de fin d’année.

Spectacle de fin d’année de la troupe de théâtre du Gymnase, 2004

Toute idée ou projet d’élèves était le bienvenu, un soutien matériel et humain était mis en place pour accompagner ces initiatives. C’est ainsi que lorsque 5 élèves de terminales passionnées par les langues étrangères – dont je faisais partie - ont décidé de créer des apéros linguistiques pour étudiants, les « Happy Talks », nous avons reçu tout le soutien de l’équipe du Gymnase pour la mise en œuvre de ce concept.

Sarah Ludecke, Elodie Chouicha, Margaux Hammann, Ornella Bisquay et Caroline Kraft, fondatrices des Happy Talks, dans un article des Dernières Nouvelles d'Alsace de 2004.

Les études après le Gymnase

Souhaitant continuer à étudier trois langues étrangères au moins, mais ne m’imaginant ni dans une carrière de professeur, ni dans celle d’interprète, j’ai intégré Sciences Po Strasbourg, m’octroyant ainsi quatre années pour trouver ma voie, dont une année d’études à l’étranger. J’ai en outre eu le privilège que deux de mes meilleures amies du Gymnase, Charlotte Boujassy et Caroline Kraft, soient, elles aussi, reçues au concours de Sciences Po Strasbourg.

Charlotte Boujassy, Margaux Hammann, Caroline Kraft et Ornella Bisquay à Grenade en 2007

J’ai tout de suite su que je voulais partir en pays hispanophone, ce sera la faculté de droit de Séville. Ayant déjà beaucoup apprécié les cours de droit durant les deux premières années de mon cursus, c’est là-bas que j’aurai le déclic qui me donnera envie d’être avocate. J’intègre alors un Master 2 à Assas et passe l’examen du CRFPA pour rejoindre l’école du Barreau de Paris. Toujours attirée par les expériences internationales, je décide d’effectuer l’un de mes stages en Egypte, dans le département d’arbitrage d’un grand cabinet d’affaires. Retour à Paris quelques semaines seulement avant la révolution, je débute une collaboration au sein du cabinet d’avocats dans lequel j’effectuais mon dernier stage. Mais l’appel de l’international revient, je quitte la vie parisienne en 2016 pour m’installer en famille à l’Ile Maurice.

Avocate d’affaires à l’autre bout du monde

Je rejoins alors PLCJ Law Firm, cabinet d’avocats d’affaires franco-mauricien créé par Mathilde Parent Lagesse et qui exerce dans les deux juridictions et dans les deux droits, avec une expertise particulière concernant les courants d’affaires entre l’Océan Indien, l’Afrique et l’Europe. Le système juridique mauricien est hybride, influencé autant par le droit français que par le droit anglais et combine dès lors la pratique du droit civil et coutumier (common law). Les textes législatifs sont rédigés dans les deux langues, non dans le sens où il en existe des traductions, mais dans le sens où les textes issus du droit français sont rédigés en français et ceux issus de common law en anglais. Les plaidoiries devant les Cour mauriciennes et les décisions de justice passent ainsi de l’anglais au français, selon le point de droit abordé.

 Installée depuis 8 ans à l’Ile Maurice, je profite d’un cadre de vie extraordinaire tout en ayant l’opportunité d’exercer le métier qui me passionne dans les meilleures conditions, tout en rentrant plaider de temps en temps devant les juridictions françaises.

La vie en expatriation

On me dit souvent que j’ai de la « chance » de vivre à l’Ile Maurice. Mais la chance n’a rien à voir là-dedans. Pour m’installer ici, j’ai quitté la vie confortable et la carrière toute tracée que j’avais à Paris pour créer une nouvelle vie qui me corresponde mieux, en acceptant une très forte baisse de mon niveau de vie et sans savoir si cela allait fonctionner. J’ai pris le risque de quitter un quotidien confortable pour une aventure sans filet ! La chance ne viendra pas frapper d’elle-même à votre porte, alors plutôt que de subir une vie qui ne vous convient pas ou plus, je ne peux que vous encourager à créer votre propre chance. Comme le disait si bien Oscar Wilde, « les folies sont les seules choses qu’on ne regrette jamais ».

Cela ne signifie pas nécessairement tout plaquer sur un coup de tête, mais identifier vos aspirations, votre vie idéale et construire votre projet autour de cela, même si votre projet s’apparente à une folie pour votre entourage. Evidemment tout cela ne se fait pas en un jour : mon mari et moi avons nourri ce projet d’expatriation pendant de nombreux mois avant notre arrivée à Maurice.

En termes de vie quotidienne, Maurice est une expatriation « facile » : deux à trois heures de décalage avec la France, les mauriciens parlent couramment français et anglais, le système de santé privé est très bien pour un suivi classique, des opérations sans complications ou encore la maternité ; l’offre éducative est d’excellente qualité et diversifiée (écoles françaises, anglaises et internationales, délivrant des cursus bilingues). On trouve également presque tous les produits alimentaires français (incluant d’excellents fromages ou même de la choucroute !), à des prix en revanche nettement plus élevés qu’en France. Le rythme est également plus doux qu’en Europe, avec une vie plus simple et plus proche de la nature.

 Le Morne Brabant, patrimoine mondial de l’Unesco

Les mauriciens sont en outre des personnes extrêmement chaleureuses et accueillantes. Seul pays d’Afrique à majorité hindou, Maurice est à la croisée des chemins entre l’Afrique et l’Inde, avec un caractère insulaire marqué. Les codes culturels sont distincts et issus des différentes communautés qui composent l’île et de l’héritage colonial aussi bien français qu’anglais. Comme pour toute expatriation, la curiosité et l’ouverture d’esprit sont fondamentales pour une adaptation réussie.

Vivre à plus de 10.000 km de chez soi comporte malgré tout son lot d’inconvénients : nos familles et nos proches nous manquent terriblement et la distance ne nous permet pas de rentrer fréquemment pour profiter d’eux autant que nous le souhaiterions.

Un conseil pour les gymnasiens ?

Le Gymnase fédère et marque durablement ceux qui ont eu la chance d’y étudier. Au détour d’un dossier, j’ai travaillé avec une Consœur avocate, elle aussi alsacienne et ancienne du Gymnase. Elle m’a confié y avoir passé ses meilleures années, je ne peux que lui donner raison.

Profitez de votre scolarité pour aiguiser votre curiosité, pour découvrir ce qui vous anime, testez, détestez, testez autre chose. Investissez-vous dans une ou plusieurs activités qui vous intéresse(nt) ; renseignez-vous sur les orientations post-bac et pas uniquement en France ; misez sur l’apprentissage des langues étrangères, qui seront toujours un atout majeur quel que soit le cursus choisi ; faites des stages dans des domaines et structures variés pour confronter vos aspirations à la réalité, alignez votre projet avec vos envies profondes et les valeurs qui vous sont chères.

« Fais de ta vie un rêve et d’un rêve, une réalité », Antoine de Saint-Exupéry.

Donnez-vous les moyens de réaliser vos rêves. Pour cela, commencez par rêver.

Ornella Bisquay

 Nous remercions Ornella pour ce témoignage si vivant et lui souhaitons une très belle continuation. 


dimanche 22 octobre 2023

Quand Nicolas Wild (bac 1995) se demande à quoi pensent les Russes

 Petit, Nicolas Wild voulait rester tranquillement chez lui en Alsace,  à manger du chocolat.
Heureusement, une succession d’événements improbables a modifié son régime. Dont une scolarité au Gymnase achevée par le baccalauréat en 1995.

Diplômé en juin 2000 de l’atelier d’illustration des arts décoratifs de Strasbourg, il part étudier aux États-Unis, puis va travailloter dans un orphelinat en Inde avant de trouver un « vrai » métier à Kaboul. Il se dit « bon sang, je vais raconter ma life parce que c’est trop fou », et ça donne Kaboul Disco.


Quelques albums plus tard (Ainsi se tut Zarathoustra, Kaboul Requiem, Mondo Disco…) le voici immergé en Russie, en pleine guerre avec l’Ukraine. Un récit graphique dans lequel l’auteur alsacien cherche à savoir « à quoi pensent les Russes »

 Si les journalistes occidentaux n’entrent pas comme ils veulent en Russie, les artistes y ont un accès bien plus libre. Fin juin 2022, Nicolas Wild a pu le constater, prenant un vol à Dubaï à destination de Saint-Pétersbourg avec un passage à la douane russe effectué sans anicroche. Pourtant, derrière l’auteur de BD pointe la silhouette d’un journaliste attentif à percer le quotidien d’un pays, à restituer des situations, à faire parler des gens, de l’homme de la rue à l’intellectuel engagé…

 Des portraits, des ambiances, des tranches de vie…

Trois mois plus tôt, il n’aurait jamais imaginé se retrouver à enquêter, carnet de croquis à la main, sur l’état d’esprit des Russes alors que l’Ukraine est à feu et à sang dans une guerre qui ne dit pas son nom. Tout s’était décidé en Inde où Nicolas Wild se trouvait dans le cadre de rencontres professionnelles. À la fin de son séjour, une agence de presse indienne, spécialisée dans les reportages BD, séduite par son travail sur l’Afghanistan et l’Iran , lui en avait confié la mission.


 Ainsi est né À quoi pensent les Russes , récit se présentant sous la forme d’un épais album en format à l’italienne. Dans son périple qui le mène de Saint-Pétersbourg à Moscou, mais aussi dans la province de Bachkirie, à l’est du pays, Nicolas Wild capte des ambiances, restitue des tranches de vie, tente de saisir la vision qu’ont ses interlocuteurs de leur pays, mais aussi de l’Occident et de l’Ukraine. Entre patriotisme claironnant et opposition discrète au régime, la Russie y apparaît très divisée.


 Comme le font les journalistes à l’étranger, il a eu recours à une « fixeuse », une aide ô combien précieuse. « Dans un premier temps, on a établi une liste abstraite de personnes à interviewer : un joueur d’échecs, un ancien soldat qui a fait l’Afghanistan, des pro et anti-Poutine, des artistes, un avocat, des militants LGBT… Ma fixeuse m’a ensuite envoyé une liste de personnes réelles disponibles lors de mon séjour. À ces personnes-là se sont ajoutés des Russes croisés par hasard durant le voyage », raconte Nicolas Wild.

De l’ancien élève des Arts Déco de Strasbourg (promo 2000), né à Ingwiller et désormais installé à Lyon, on connaît la façon d’aborder des sujets délicats dans un mélange de gravité et d’humour. Avec aussi une petite touche d’autodérision qui apporte de la légèreté à des propos parfois glaçants. Rencontre édifiante avec Daniel Berman, avocat spécialisé dans la défense des prisonniers politiques. Ce qui dans la Russie de Poutine n’est pas une sinécure.

 À quoi pensent les Russes, par Nicolas Wild, éditions La Boîte à Bulles, 144 pages, 19 €.

 Extraits de l’article de Serge Hartmann, paru dans les DNA le 19 octobre 2023.

mardi 19 septembre 2023

Laura Carballido (bac 2013) rend les emballages intelligents


Quasiment 10 ans jour pour jour après avoir obtenu son baccalauréat Laura Carballido, par ailleurs ingénieure ENSCR, est non seulement docteure en chimie mais elle fait aussi partie de la promotion 2023 des lauréats du concours d'innovation i-PhD.

Ce concours récompense le caractère innovant de ses travaux de thèse réalisés au sein de l'UMR Procédés Alimentaires et Microbiologiques de L'Institut Agro Dijon, Université de Bourgogne. Un projet soutenu par la SATT SAYENS et l'incubateur DECA-BFC ainsi que l’ADEME et Bpifrance, via #France2030.

 Lauréate du concours #ICE, Laura se réjouit de poursuivre le développement de ce projet grâce à une bourse financée par le conseil régional de Bourgogne Franche-Comté.

Smart In Pack propose une nouvelle technologie de capteurs chimiques permettant de développer des emballages intelligents pour le suivi simple et rapide de la qualité de vos produits alimentaires et cosmétiques en temps réel.

Vous voulez en savoir plus ?

https://www.youtube.com/watch ?v=wP3r1jg4EG8

lundi 18 septembre 2023

Julie Hoeffel (bac 2001) des coulisses de l’opéra à la cour d’escargots

Installée depuis cinq ans avec son mari, éducateur-spécialisé, dans la ferme familiale à Handschuheim, Julie était encore l’an dernier chef perruquière-maquilleuse à l’Opéra national du Rhin. Un métier qu’elle a exercé pendant dix-huit ans. Elle souhaitait une reconversion et voulait faire quelque chose en rapport avec la nature. « Mais notre terrain n’est pas trop grand, il fallait opter pour de petites bêtes. En plus, j’aime manger les escargots. »

En mai, au bout d’une formation à Besançon et d’un stage en Ardèche , Julie Hoeffel a lâché les 1 200 000 naissains dans le pré.  Ce sont de minuscules Hélix Aspersa Maxima - il faut lire gros-gris - achetés dans le sud de la France et livrés dans des boîtes de camembert. Julie Hoeffel accueille désormais les visiteurs sur sa nouvelle exploitation « La cour d’escargots » à Handschuheim


 Pour protéger les escargots des oiseaux affamés, il a fallu installer un filet qui peut aussi réduire l’impact de la grêle. Mais à une tornade, cet équipement ne va certainement pas résister. « Il faut vivre avec les aléas de la météo et de la nature », estime, philosophe, l’hélicicultrice.

Il y a aussi les nuisibles terrestres. Pour réduire les limaces, qui convoitent également la nourriture des gastéropodes, elle conduit ses canards coureurs indiens en début de saison sur le terrain. « Quand il y en a trop, je les coupe en deux ou je les donne à mes canards. »

 « En trois jours, les rats pourraient faire disparaître ma récolte »

 Malheureusement, il y a aussi les rats. « En trois jours, ils pourraient faire disparaître ma récolte ». Avec les moyens naturels, elle essaie de les faire fuir. Les chats du maraîcher voisin forment à eux seuls une petite brigade anti-rongeurs, les chevaux d’une amie tassent les tunnels. Quand Julie repère une galerie, elle la bouche avec des cheveux humains, dont l’odeur fait fuir les rongeurs.

D’autres subterfuges sont nécessaires pour garder la colonie en place. « Un escargot avance de sept mètres par heure » Un mélange « anti-fuite » à base de savon noir et de sel est ainsi badigeonné sur les barrières qui délimitent le parc.


Et puis il y a l’alimentation de ce petit monde qui dort le jour et s’active la nuit. En soirée, trois fois pendant un quart d’heure (sauf en cas de pluie), des micro-aspergeurs d’eau se mettent en marche. Alors les escargots sortent. En plus de l’herbe, du cresson et des navets semés, Julie leur donne une préparation bio finement moulue de blé et d’autres céréales. Ce mélange est réparti sur leurs mangeoires, sortes de bancs en bois récupéré qui servent aussi à les ramasser, le jour venu.

 Les escargots fabriquent leur coque avec leur bave, appelée le mucus. « C’est l’animal qui proportionnellement à sa taille grandit le plus vite ». Dès qu’ils ont formé une petite casquette au bout, ils sont « bordés », dans le jargon, et on peut les récolter. Il faut alors les laisser se « vider de leur appareil digestif » et les mettre au sec, en hibernation. « C’est un métabolisme très particulier », admet Julie Hoeffel. Fin octobre, elle va finir le ramassage. Pour des besoins cosmétiques, elle ne récupère pas la bave. « Cela ne me donne pas vraiment envie », poursuit l’éleveuse. 

« On ne les met pas dans le sel mais on les endort grâce au processus naturel d’hibernation. Nos escargots sont plus moelleux car ils sont moins exposés au stress. Ici, ils ont quatre mois de vie de rêve et une fin sans douleur. »

 Pour leur préparation culinaire, elle aura recours au local de transformation de son associé Romain Deiber qui a fondé en 2020 La Ferme des Petites Bêtes à Dachstein« Une cuisine professionnelle, c’est un investissement lourd. » Là-bas, elle proposera également sa marchandise dès l’automne.

 Cet automne, elle va garder 5 000 escargots. « Je les mettrai au sec et au frais. Dans un filet, ils vont dormir jusqu’à ce que je les mouille ». Et un nouveau cycle pourra reprendre en mai 2024, dès que les températures le permettront.

 Une nouvelle passion que Julie souhaite transmettre. La jeune exploitante se propose d’organiser des visites guidées de ses parcs d’élevage, avec une chasse aux escargots et une dégustation. A terme, elle envisage de lancer un foodtruck. Avant cela, elle va d'abord devoir gérer sa première récolte, prévue pour les fêtes de fin d’année.

D’après un article de Eva KNIERIEMEN paru dans les DNA du 4 août 2023

Pour des visites guidées, contacter le 03 88 21 46 90, ou par mail :

contact@lebeaujardin.alsace.



jeudi 13 juillet 2023

Féris Barkat (bac 2017), figure du climat dans les quartiers populaires, bouscule les normes (Le Monde)

 « La Relève » : tous les mois, « Le Monde Campus » rencontre un jeune qui bouscule les normes.
 A 21 ans, le jeune cofondateur de Banlieues Climat se bat pour sensibiliser les jeunes des banlieues aux questions environnementales et faire entendre leur voix jusqu’à Matignon.

Que lui a apporté le Gymnase dans son parcours ? Retrouvez aussi le témoignage de Barkat en:
https://gymnase-network.blogspot.com/2022/03/feris-barkat-bac-2020-le-capital.html

 Ces derniers jours, dans les quartiers populaires, les conversations tournent souvent autour de la mort du jeune Nahel M., tué le 27 juin par un policier lors d’un contrôle routier à Nanterre (Hauts-de-Seine). Difficile de ne pas évoquer les émeutes en banlieues qui ont suivi un peu partout en France depuis. Pourtant, Féris Barkat préfère ne pas s’étendre sur le sujet à chaud et continuer de parler de son combat avec son association Banlieues Climat : l’écologie dans les quartiers populaires. « On veut montrer que l’écologie est aussi une porte de sortie à cette violence, un moyen de s’émanciper, dans un contexte social aussi compliqué », explique le jeune homme de 21 ans.

Samedi 1er juillet, il était aux Mureaux (Yvelines), où des incidents ont éclaté ces derniers jours, pour former une nouvelle promotion d’adolescents du coin aux questions environnementales. Une réussite selon lui : « La crise climatique n’est pas le sujet le plus réjouissant, mais ça leur fait du bien de parler d’autre chose que de l’actualité. »

 Malgré les événements, Féris Barkat garde donc le cap qu’il s’est fixé et qui l’a mené à connaître une ascension folle ces derniers mois. Depuis le lancement, fin 2022, de son association, qui aide les personnes venant, comme lui, de quartiers populaires à décrypter les enjeux de la crise climatique, le jeune homme enchaîne les rendez-vous prestigieux dans les plus hautes sphères de l’Etat.

Le 21 juin, lors de la restitution des Rencontres jeunesse de Matignon, il n’hésitait pas à réclamer plus d’argent pour les quartiers à la première ministre, Elisabeth Borne. La demande s’adressait aussi à Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur, avec qui Banlieues Climat a signé un partenariat le 7 juin. Le cofondateur de l’association peut même se targuer de participer à des réunions à l’Elysée avec des conseillers d’Emmanuel Macron, d’être en discussion pour donner des cours à l’école de management de Sciences Po sur la philosophie et l’écologie et d’entrer bientôt peut-être au conseil d’administration de l’association Fresque du climat, l’atelier de sensibilisation aux enjeux climatiques ayant formé plus de 1,1 million de personnes dans le monde.

 Féris Barkat se démène ainsi pour que les quartiers ne soient pas encore une fois les grands oubliés de la politique environnementale. « La question climatique est un outil pour remettre en cause les injustices dans les quartiers qu’on a normalisées : le fait qu’on ait moins d’espaces verts, des logements mal isolés, etc. Il faut renverser tout ça sinon c’est ici qu’on subira les conséquences plus qu’ailleurs », détaille-t-il au pied d’une tour grise de huit étages de Koenigshoffen, quartier populaire de Strasbourg.

 Découverte de l’art oratoire

C’est entre cette cité strasbourgeoise et Illkirch, banlieue de la ville alsacienne, que Féris Barkat a passé son enfance. Né d’un père d’origine algérienne et d’une mère d’origine marocaine, le jeune homme s’imaginait, petit, travailler à l’usine, comme son père. Sa mère, morte d’un cancer en mai, s’occupait, elle, de trouver des logements sociaux aux habitants d’Illkirch. Le futur militant a grandi avec l’histoire de son grand-père, tirailleur dans l’armée française pendant quarante ans et que son oncle, Kader Barkat, a essayé de faire décorer à titre posthume en écrivant une lettre à Brigitte Macron en 2018, sans succès. « Féris a grandi avec ce sentiment de devoir se battre pour ses droits », souligne ce dernier.

Au collège, l’adolescent connaît « des fréquentations douteuses » : « beaucoup d’embrouilles, quelques bagarres », élude-t-il aujourd’hui. Alors ses parents l’envoient au lycée privé du Gymnase Jean Sturm de Strasbourg, particulièrement réputé en Alsace. Il doit ce transfert en partie à cette professeure d’histoire de 3e qui lui a écrit une belle lettre de recommandation. « Elle a dit que j’étais quelqu’un de bien avant que je le devienne », la remercie Féris Barkat. Au lycée, il découvre l’art oratoire, à travers le film A voix haute. La force de la parole (2016) avec Bertrand Périer. Il dévore les vidéos d’éloquence de HEC et de Sciences Po. Après un bac ES mention très bien, le jeune d’Illkirch est accepté à la London School of Economics (LSE) pour la rentrée 2020. L’année coûte 9 800 livres (11 000 euros) et malgré une bourse, le père de Féris doit contracter un prêt pour compléter.

 Le début d’une aventure… rapidement avortée. Dans le milieu aisé londonien, Féris Barkat ne se sent pas à sa place. Il continue de s’intéresser aux questions écologiques, qu’il a découvertes en terminale, où il entend pour la première fois parler de changement climatique et où un professeur de philosophie le pousse à s’interroger sur la notion de progrès. Le jeune adulte dévore alors toutes les études et articles scientifiques sur le sujet.

Marco Berrebi, entrepreneur, cofondateurs du Collège citoyen de France, et Féris Barkat, dans la cour de l’INSP, à Strasbourg, le 2 juin 2023.

 Mais, autour de lui, il voit bien que le discours ne porte pas. « C’était socialement très compliqué, confie-t-il. J’étais entouré de gens aisés qui ne voulaient pas me calculer. Mes amis à Strasbourg ne captaient pas ce que je racontais non plus. J’étais seul dans mon délire. » Son écoanxiété et surtout l’état de santé de sa mère lui font relativiser l’importance des études. Alors le jeune expatrié claque la porte de la LSE sans le dire à ses parents, un an à peine après son arrivée, avant de rentrer à Strasbourg.

 Le retour au quartier n’est pas évident. Ses ambitions de projets restent sans réponse. La première main tendue viendra du Collège citoyen de France, un nouvel institut pour former « les responsables publics de demain », qu’il rejoint en février 2022. Là-bas, Féris y croise diverses personnalités comme l’artiste JR mais fait surtout la rencontre d’Abdelaali El Badaoui. « J’ai pris Féris sous mon aile parce que j’ai tout de suite senti le potentiel chez lui, rejoue le président et fondateur de Banlieues Santé, une association qui lutte pour réduire l’écart d’espérance de vie entre riches et pauvres en France. Il comprend très vite les codes, il sait écouter et prendre le temps. En plus, c’est un garçon hyper attachant, ce qui est important dans notre projet. »

 Les deux représentants des quartiers, accompagnés de Sanaa Saitouli, fondatrice du collectif citoyen Cergy demain, et du rappeur Sefyu, fondent Banlieues Climat à la fin de l’année 2022. L’association propose des formations autour des enjeux environnementaux d’environ neuf heures et d’accompagner des jeunes des quartiers de 16 à 25 ans vers les métiers de la transition écologique. Plusieurs dizaines d’entre eux ont déjà été formés à Strasbourg, à Bagnolet (Seine-Saint-Denis) et à Cergy (Val-d’Oise).

Selon Féris, il faut juste adapter son discours, voire en inventer un nouveau. « Le sort des ours polaires, ça ne parle pas en banlieue. Mais dès qu’on évoque les sécheresses au Maghreb, les périodes de canicule dans les logements HLM, la malnutrition, tout de suite les gens écoutent », affirme-t-il. « Ce sont toujours les mêmes qui en parlent. On ne voit que les bobos sur ces sujets », affirme Naël, 19 ans, en BTS management et membre de la première promotion formée par Banlieues Climat à Hautepierre, autre quartier populaire de Strasbourg, en décembre 2022. Alors Féris Barkat construit régulièrement ses formations autour de références trouvées dans des mangas comme One Piece ou l’univers d’Hayao Miyazaki. « Quand j’entends les écologistes dans les JT, ce n’est pas très pédagogique. Ce que fait Féris est beaucoup plus adapté pour les jeunes d’ici », loue Saad, 23 ans, un ami d’enfance du quartier en école d’infirmiers.

 Tchatche et sourire charmeur

C’est pour cela que le jeune Strasbourgeois essaie de ne pas trop se perdre dans le milieu des militants du climat, dont il appelle un bon nombre des têtes d’affiche comme Camille (Etienne), Léa (Falco) ou encore « Janco » (Jean-Marc Jancovici) par leur prénom, comme de vieilles connaissances. « Sinon tout devient une évidence. Et quand tu dois aller sur le terrain pour former vingt-cinq jeunes à Cergy, tu n’arrives plus à te mettre à leur place. Tu te retrouves à parler du GIEC [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat] comme si tout le monde connaissait, alors que pas du tout. » Dans les hautes sphères de l’Etat, il a appris à gérer la pression sociale, ce devoir d’assurer en tant que représentant des quartiers populaires et personnes racisées, tout en craignant toujours la récupération, la peur de n’être qu’ « une case à cocher » dans les conventions. « Je ne veux pas être la caution banlieue des Rencontres jeunesse », prévient-il.

Son ascension ultrarapide, ces derniers mois, lui pose aussi question. A seulement 21 ans, Féris Barkat reçoit une centaine de messages par jour sur son téléphone, a un agenda surchargé et des semaines « qui n’ont pas de sens », de son propre aveu. « On va à une vitesse qui même moi me fait peur, concède-t-il. Sur le long terme, je ne suis pas sûr que ça soit viable, sinon je suis mort dans deux ans. » D’autant que malgré ses récentes réussites, le militant continue de douter de sa légitimité et de sa crédibilité dans le milieu où il évolue. Et derrière une tchatche et un sourire charmeur, il reste un très jeune adulte : « Ces responsabilités sont lourdes à porter. Parfois, je pense à disparaître sans donner de nouvelles. »

Paradoxalement, son écoanxiété a diminué, tout comme ses espoirs de changer le monde et de sauver la planète. Il veut tout de même rester un minimum optimiste en voyant « ces jeunes sur le terrain qui ont une énergie de fou ». Pour penser à autre chose, Féris s’est aussi lancé dans la musique, dans le rap et dans le slam. Sans prétention, assure-t-il, juste pour ne pas perdre la tête. Pour un prochain projet, il a tout de même déniché le beatmaker des rappeurs SCH et PLK. Pour Féris, tout va décidément très vite.

 Robin Richardot

Le Monde - Publié le 08 juillet 2023

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