Installée depuis cinq ans avec son mari,
éducateur-spécialisé, dans la ferme familiale à Handschuheim, Julie était encore l’an dernier chef
perruquière-maquilleuse à l’Opéra national du Rhin. Un métier qu’elle a exercé
pendant dix-huit ans. Elle souhaitait une reconversion et voulait faire quelque chose en rapport avec
la nature. « Mais notre terrain n’est pas trop grand, il fallait opter
pour de petites bêtes. En plus, j’aime manger les escargots. »
En mai, au bout d’une
formation à Besançon et d’un stage en Ardèche , Julie Hoeffel a lâché les
1 200 000 naissains dans le pré. Ce sont de minuscules Hélix Aspersa
Maxima - il faut lire gros-gris - achetés dans le sud de la France et
livrés dans des boîtes de camembert. Julie Hoeffel accueille désormais les
visiteurs sur sa nouvelle exploitation « La cour d’escargots » à
Handschuheim
Pour protéger
les escargots des oiseaux affamés, il a fallu installer un filet qui peut aussi
réduire l’impact de la grêle. Mais à une tornade, cet équipement ne va
certainement pas résister. « Il faut vivre avec les aléas de la météo et
de la nature », estime, philosophe, l’hélicicultrice.
Il y a aussi
les nuisibles terrestres. Pour réduire les limaces, qui convoitent également la
nourriture des gastéropodes, elle conduit ses canards coureurs indiens en début
de saison sur le terrain. « Quand il y en a trop, je les coupe en deux ou
je les donne à mes canards. »
« En trois
jours, les rats pourraient faire disparaître ma récolte »
Malheureusement,
il y a aussi les rats. « En trois jours, ils pourraient faire disparaître
ma récolte ». Avec les moyens naturels, elle essaie de les faire fuir. Les
chats du maraîcher voisin forment à eux seuls une petite brigade anti-rongeurs,
les chevaux d’une amie tassent les tunnels. Quand Julie repère une galerie,
elle la bouche avec des cheveux humains, dont l’odeur fait fuir les rongeurs.
D’autres
subterfuges sont nécessaires pour garder la colonie en place. « Un
escargot avance de sept mètres par heure » Un mélange
« anti-fuite » à base de savon noir et de sel est ainsi badigeonné
sur les barrières qui délimitent le parc.
Et puis il y a
l’alimentation de ce petit monde qui dort le jour et s’active la nuit. En
soirée, trois fois pendant un quart d’heure (sauf en cas de pluie), des
micro-aspergeurs d’eau se mettent en marche. Alors les escargots sortent. En
plus de l’herbe, du cresson et des navets semés, Julie leur donne une
préparation bio finement moulue de blé et d’autres céréales. Ce mélange est
réparti sur leurs mangeoires, sortes de bancs en bois récupéré qui servent
aussi à les ramasser, le jour venu.
Les escargots
fabriquent leur coque avec leur bave, appelée le mucus. « C’est l’animal
qui proportionnellement à sa taille grandit le plus vite ». Dès qu’ils ont
formé une petite casquette au bout, ils sont « bordés », dans le
jargon, et on peut les récolter. Il faut alors les laisser se « vider de
leur appareil digestif » et les mettre au sec, en hibernation.
« C’est un métabolisme très particulier », admet Julie Hoeffel. Fin octobre, elle va finir le
ramassage. Pour des
besoins cosmétiques, elle ne récupère pas la bave. « Cela ne me donne pas
vraiment envie », poursuit l’éleveuse. « On ne les met pas dans le
sel mais on les endort grâce au processus naturel d’hibernation. Nos escargots
sont plus moelleux car ils sont moins exposés au stress. Ici, ils ont quatre
mois de vie de rêve et une fin sans douleur. »
Pour leur
préparation culinaire, elle aura recours au local de transformation de son
associé Romain Deiber
qui a fondé en 2020 La Ferme des Petites Bêtes à Dachstein. « Une
cuisine professionnelle, c’est un investissement lourd. » Là-bas, elle
proposera également sa marchandise dès l’automne.
Cet automne,
elle va garder 5 000 escargots. « Je les mettrai au sec et au frais.
Dans un filet, ils vont dormir jusqu’à ce que je les mouille ». Et un
nouveau cycle pourra reprendre en mai 2024, dès que les températures le
permettront.
Une
nouvelle passion que Julie souhaite transmettre. La jeune exploitante se propose
d’organiser des visites guidées de ses parcs d’élevage, avec une chasse aux
escargots et une dégustation. A terme, elle envisage de lancer un foodtruck.
Avant cela, elle va d'abord devoir gérer sa première récolte, prévue pour les
fêtes de fin d’année.
D’après un article
de Eva KNIERIEMEN paru dans les DNA du 4 août 2023