lundi 31 mai 2021

Regards croisés d'Indonésie par Jean-Baptiste Mutel et Sophie Ehrhard-Mutel (promotion 1997)


 Jean-Baptiste Mutel et Sophie Ehrhard-Mutel (promotion 1997 tous deux) vivent en Indonésie depuis 7 ans. Ils habitent à Djakarta avec leurs deux enfants.

Sophie est professeure des écoles au lycée français de Djakarta alors que Jean-Baptiste travaille pour le groupe Volvo (Aftermarket Directory UD Trucks – Volvo Group)

L’Indonésie est un pays transcontinental, constitué de 13 466 îles, dont 922 habitées dont Célèbes, Sumatra, Kalimantan (partie de Bornéo) et la Nouvelle-Guinée (partagée avec la Papouasie-Nouvelle Guinée) : le plus grand archipel du monde (voir carte ci-dessous). Avec une population estimée à 270 millions de personnes, c'est le quatrième pays le plus peuplé au monde et le premier pays à majorité musulmane pour le nombre de croyants.

Voici leur témoignage sur leur vécu de la crise sanitaire, vue d’Indonésie et ce qu’ils peuvent percevoir des impacts sur la vie de ce pays très particulier:

Nous avons vécu la crise du Covid depuis le début en Indonésie et suivons avec intérêt et anxiété les évolutions en France. En Indonésie, au début de l’épidémie, la réaction des autorités a été rapide et efficace, puisqu’un lock down (ndlr : confinement) a été imposé très rapidement. Le problème est qu’une majorité d’Indonésiens vit avec un salaire journalier. Le lock down signifiait donc une perte de leur revenu.

Fragilité de la situation

Le lock down s’est donc allégé et les restaurants, les lieux de cultes ont réouverts au bout de quelques semaines. La vraie différence avec la France concerne les écoles. En effet, les établissements scolaires sont fermés depuis mars 2020. L’enseignement se passe donc à distance et les enfants étudient depuis chez eux. Pour les écoles internationales et privées, les conséquences sont nombreuses mais gérables, mais pour les écoles locales publiques, elles sont dramatiques et vont se faire sentir sur le long terme

Après un pic de contamination au début 2021, le niveau de cas reste stable depuis de nombreuses semaines. Mais les fêtes de fin du ramadan et un certain relâchement des gestes barrières peuvent faire craindre un scénario à l’indienne. Les autorités sont très vigilantes et ont décrété une interdiction de déplacement pour le mois de mai. Nous croisons les doigts.

Choc économique et résilience

 D’un point de vue économique l’Indonésie souffre beaucoup de la situation actuelle. Une partie de l’économie vit du tourisme (ex. Bali) et le manque de touristes a fait couler de nombreuses société, d’hôtels, de restaurants… Il faudra plusieurs années avant un retour à la normale. En un sens c’est peut-être une chance pour ce pays, car la surexploitation touristique était une vraie menace pour l’environnement et la pérennité du pays. Un redémarrage plus maitrisé et plus respectueux peut être espéré.

L’Indonésie a traversé beaucoup de problème depuis plusieurs années (guerre civile, catastrophes naturelles…) et a toujours su faire preuve de résilience de d’innovation. Une fois que la crise du covid sera passée, je

suis persuadé que ce pays va se redresser rapidement et exploiter pleinement ses différentes ressources.

Le monde à venir

 En tant qu’étranger il faudra savoir l’accompagner et l’aider. Ce sera une mission passionnante, qui offrira de nombreuses opportunités à ceux qui veulent la mener. En ce qui concerne les jeunes à travers le monde qui sont les premières victimes collatérales de cette crise sanitaire, les prochains temps ne seront pas faciles mais je pense que le rebond sera à la hauteur de la chute.

Il est particulièrement important pendant cette période de continuer à se former, à se différencier et à explorer toutes les opportunités qui se présenteront à eux. Identifier les secteurs, les activités qui vous plaisent le plus et définissez votre projet. Il y aura toujours de la place dans les sociétés pour des jeunes qui savent où ils veulent aller et ce qu’ils peuvent apporter.

Un grand merci Sophie et Jean-Baptiste pour leur témoignage sans fards et les dynamiques qu'ils ouvrent sur l'avenir.





Ariane Cytrynowicz et la pandémie à Montréal

 

Après son baccalauréat au Gymnase en 2014, Ariane a intégré HEC Montréal en Administration des Affaires. Nantie de son diplôme elle a entamé sa carrière professionnelle en 2018 en tant que Coordonnatrice Marketing International chez la Vie en Rose.

Début 2020 elle a été l'une des co-fondatrices d'Azäne, plateforme de référence en vente de bijoux locaux et éco-responsables, bijoux souvent très inventifs issue d’une imagination orientée vers la bienveillance. Une plateforme rapidement référencée sur des sites au Canada.

Comment vit-elle une période de pandémie qui a bousculé tant de projets et d’existences ?

« Mon expérience en temps de pandémie se résume en un mot : résilience. Je suis à Montréal depuis 7 ans et je n'ai jamais autant ressenti la distance et le besoin de voir ma famille. Le climat d'insécurité m'a donné l'impression d'être prisonnière en quelque sorte.

Du jour au lendemain, je n'avais plus l'option de rentrer. Du jour au lendemain, mon entreprise a fermé et j'ai été mise au chômage temporairement en même temps que les 500 autres employés. Nous pensions partir pour 10jours. Ça aura duré 4 mois.

Le plus dur pendant ces longs mois a été d'avancer, de trouver des projets et être dans l'action plutôt que dans l'attente. Malgré tout cela, j'ai été capable de monter mon entreprise, de la lancer et de la voir grandir. J'ai appris à me concentrer sur des objectifs à court terme plus que sur des objectifs long terme, de faire des petites choses qui me font du bien quotidienne et de manière consciente et cela m'a beaucoup aidé ».

dimanche 2 mai 2021

Trajectoires croisées, compétences qui s’engagent : les anciens du Gymnase et le Rwanda



 L’actualité a ramené dans la lumière le drame du Rwanda, le massacre des Tutsis qui a fait près d’un million de morts en 1994, à travers les rapports enfin convergents des commissions Duclert (France) et
Muse  (Rwanda). Ils s’accordent à indiquer que si la France n’est pas complice du génocide, le rôle des dirigeants de l’Etat français de l’époque est fortement interpellé. Les divergences de vues antérieures avaient conduit à la rupture complète des relations diplomatiques de 2006 à 2009, à des relations complexes depuis. Les deux synthèses laissent espérer des relations plus apaisées et constructives pour l’avenir.

 Le Rwanda est considéré comme un des Etats africains les plus engagés de façon constructive dans son développement tant économique que social et humain, après avoir réussi le difficile pari de la réconciliation nationale alors que le génocide endeuille encore chaque famille.

 https://fr.wikipedia.org/wiki/Rwanda

Hasard ou coïncidence ? Il se trouve, de façon surprenante, qu’un nombre significatif d’anciens élèves ont été ou sont actuellement des acteurs engagés dans le pays des « Milles Collines ». Une densité de Gymnasiens à nulle autre pareille dans toute l’Afrique, à notre connaissance.

Voici quelques-unes de ces trajectoires:

 En mai 2013, l’ambassadeur de France au Rwanda adresse une lettre au directeur du Gymnase,  pour lui proposer un partenariat avec le lycée français de Kigali. 

Or cet ambassadeur n’est autre que Michel Flesch ancien élève du Gymnase de la promotion 1972. Il s’engage même fortement pour faciliter ce partenariat


Le net refroidissement des relations entre les deux pays à cette époque ont eu raison de ce projet. Il n’y a plus d’ambassadeur français à Kigali depuis 2015. C’est à cette date que Michel Flesch a pris sa retraite.

 Quelques années plus tard, en 2017, Guillaume Marescaux (promotion 1995), fils du Pr Jacques
Marescaux participe à une mission humanitaire au Rwanda en tant que chirurgien-dentiste à l’hôpital de Nyamata dans le cadre d’AME-International (Association Médicale Entraide Internationale)

Rapport de la mission :

https://www.ame-international.net/wp-content/uploads/2020/06/Rapport-de-Mission-AME-2017.pdf

 Celui qui va devenir vice-président de l'Ircad Africa vante alors auprès de son père les mérites de ce petit pays d'Afrique centrale qui s'est relevé de l'enfer de la guerre civile et du génocide des Tutsis de 1994, année de la création à Strasbourg du premier Ircad.

 Contacté ensuite par la ministre de la Santé du Rwanda, le Dr Diane Gashumba, le Pr Jacques Marescaux se rend lui-même au Rwanda en 2017 et se laisse convaincre par les autorités locales. Ils y rencontrent le président Paul Kagamé

 L'Ircad Africa est officiellement créé en 2018 et les travaux débutent l'été 2019. Ils devraient s’achever début 2022.

  Un très fort investissement national pour bâtir un institut de e-learning et de recherche en cancérologie unique en Afrique.

 A côté de cet engagement, Guillaume Marescaux exerce la profession de chirurgien-dentiste à Strasbourg.


 Simon Wohlfahrt, journaliste, vit au Rwanda et nous livre son témoignage: 

J'ai quitté le Gymnase en 2011, avant de décrocher une maîtrise en droit et de m'orienter vers le journalisme. Après un passage en correspondance à New York puis chez Arte à Strasbourg, je ressens à nouveau l'appel du large et saisis l'opportunité d'occuper une place restée vacante depuis plusieurs années, celle de correspondant au Rwanda pour France24, l'AFP et Arte.

 Plusieurs confrères ont en effet tenté de s'y installer avant moi, mais n'ont jamais vu leur demande
d'accréditation auprès des autorités aboutir. Je profite pour ma part d'un réchauffement des relations entre la France et le Rwanda pour embarquer sans encombre au pays des Mille Collines, accréditation en poche.

Yvette Baziki sur sa parcelle en terrasse
Cela fait maintenant près de deux ans que j'y couvre l'actualité, et il aura fallu autant de temps pour se faire accepter de nombre de Rwandais, jusqu'à découvrir des personnalités aussi délicates qu'attachantes. On échappe rarement à des regards pleins de curiosité. Dans l'un des pays les plus densément peuplés du continent, où que l'on soit, on n'est jamais vraiment seul. Et même si on le croit, on entendra probablement l'écho d'une voix résonner dans la colline... "Muzungu!" Comprendre "le blanc" ou "celui qui passe".

 Malgré l'incroyable beauté des paysages du Rwanda, ses collines sont entourées d'un silence pesant. Le Rwanda est en effet classé 156e sur 180 en termes de liberté de la presse selon Reporters sans frontières. L'organisation décrit : "un pays où règne l'autocensure pour les journalistes qui tentent d'échapper à la répression du régime". 

 Y travailler requiert donc de faire preuve de diplomatie, et les Rwandais sont bien souvent réticents à l'idée de répondre aux questions d'un jeune reporter français. Une nationalité qui tend à résonner négativement dans l'esprit de nombreux locaux.

 La France a en effet soutenu le régime raciste du président Juvénal Habyarimana qui a mené nombre de massacres de la minorité Tutsi au Rwanda, jusqu'à l'aboutissement de la machine génocidaire en 1994.

Mais le tout récent rapport de la commission Duclert sur le rôle de la France dans le génocide a changé la donne. En reconnaissant ses torts, la France ouvre une nouvelle page avec le Rwanda.

Au lendemain de la publication du rapport, un visiteur du mémorial du génocide à Kigali résumait "Nous pouvons enfin être amis avec les Français".

 Ndlr : Si vous lisez des articles de journaux nationaux sur le Rwanda, qui reprennent une dépêche de l’AFP, rappelez-vous que c’est Simon qui tient la plume.

 

Laure-Anaïs Zultak, promotion 2010 du Gymnase, a porté un intérêt marqué aux langues et civilisations, notamment asiatiques. 

Après l’Université d’Oxford et un séjour à celle de Pékin, elle a intégré The London School of Economics and Political Science (LSE) pour un diplôme centré sur les systèmes de santé et le développement des populations.

 Active comme chercheur dans Global Health 50/50 (initiative
indépendante qui informe, inspire et incite à l'action et à la responsabilité pour l'égalité des sexes et l'équité en santé) elle s’implique actuellement à Kigali, au Rwanda, pour la Clinton Health Access Initiative, ONG spécialisée en santé


 Voici comment elle décrit son action :

- l’ONG apporte son soutien aux programmes de vaccination en Afrique de l'Est (Kenya, Ouganda, Ethiopie et Rwanda), principalement sur les vaccins pour la petite enfance

- Au Rwanda, je me concentre sur la mise en œuvre du programme de vaccination contre la Covid. C'est un pays très intéressant d'un point de vue santé car il y a un système de santé comparativement bien établi pour la région, avec un haut taux de couverture sociale et un bon système de données à travers le pays.

- C'est aussi depuis le début de l'épidémie l'un des pays les plus sûrs, avec seulement 330 décès liés à la Covid, grâce à des mesures de préventions strictes et prises tôt. En ce qui concerne les vaccins, le Rwanda a reçu des vaccins Pfizer et AstraZeneca par Covax et une donation de l'Inde. C'est un des premiers et rares pays en développement à avoir reçu le vaccin Pfizer, car ayant investi dans une chaîne du froid à -75 degrés, en addition des réfrigérateurs de 2 à 8 degrés requis pour la plupart des autres vaccins. Les quelques 400 000 doses reçues en mars sont actuellement épuisées et nous sommes en attente des prochaines livraisons de vaccins AstraZeneca depuis le Serum Institute en Inde, par Covax.


Lisa Mutschler a passé son bac en 2016 puis, après une classe préparatoire, a intégré l’EDHEC. Elle est actuellement à Kigali dans le cadre de son année de césure.

 Elle nous explique son choix :

après 6 mois en stage en conseil à Paris à la Défense, j'ai eu envie de partir à l'étranger. J'ai trouvé totalement par hasard une offre pour Afridoctor, une startup type Doctolib présente dans 10 pays africains.

Je suis partie fin janvier à Kigali avec une amie et nous sommes deux à mettre en place cette application dans le pays. C'est très intéressant car il y a un aspect très stratégique de mise en place des prix, des cliniques et spécialités visées, mais il y a également une expérience "terrain" de découverte d'un système de santé, et d'une manière de travailler très différente de la nôtre

 Le Comité des Alumni se réjouit de l’implication de tous ces anciens élèves du Gymnase qui ont pu témoigner ici ou laisser des traces de leur présence – ainsi que d’autres encore qui sont des acteurs investis à Kigali. 

L’engagement dans l’évolution et le plein développement de ce pays, en cohérence avec ses autorités, pour atteindre son autonomie en tous domaines est porteur d’un avenir plus équilibré pour le Rwanda comme pour l’Europe. C’est aussi le défi de l’Afrique dans son ensemble