vendredi 1 décembre 2023

Ornella Franzon-Bisquay, d'élève du Gymnase (bac 2004) à avocate d'affaires à l'île Maurice

Ornella nous partage sa trajectoire particulière après sa scolarité au Gymnase ainsi que quelques conseils tirés de son expérience internationale.

Mes années Gymnase

Arrivée au Gymnase en 2001, en classe de Seconde, je me suis immédiatement sentie dans mon élément. J’y ai rencontré des personnes qui sont devenues mes meilleures amies et dont je suis toujours aussi proche aujourd’hui, 20 ans après avoir passé mon bac.

Le corps enseignant est particulièrement dévoué à ses élèves et je profite de cette tribune pour remercier particulièrement : M. Jean-Michel Schaetzel, qui m’a donné confiance en moi et m’a convaincue de m’écouter et de partir en filière littéraire ; Mme Delphine Léonardis, qui a nourri mon amour des lettres ; Mme Laeticia Ascencio, qui m’a si bien transmis son attachement pour l’Espagne et la langue de Cervantès ; M. Damien Reinhardt, pour son enseignement d’un anglais imagé et riche qui me sert encore aujourd’hui.

Outre la qualité incroyable de l’enseignement dispensé, j’ai été frappée par l’accent mis sur la bienveillance et le développement des relations entre élèves, comme l’organisation d’un week-end d’intégration en Seconde pour qu’anciens du Gymnase et nouveaux arrivants se mélangent plus facilement. L’offre culturelle était elle aussi au rendez-vous. Dès ma première année au Gymnase j’ai rejoint la troupe de théâtre du regretté Charles Giraud. Là encore l’alchimie s’est faite et nous avons même tourné et réalisé un film entre élèves pendant les vacances d’été, inspirés par le premier acte d’une pièce de Ray Cooney jouée lors du spectacle de fin d’année.

Spectacle de fin d’année de la troupe de théâtre du Gymnase, 2004

Toute idée ou projet d’élèves était le bienvenu, un soutien matériel et humain était mis en place pour accompagner ces initiatives. C’est ainsi que lorsque 5 élèves de terminales passionnées par les langues étrangères – dont je faisais partie - ont décidé de créer des apéros linguistiques pour étudiants, les « Happy Talks », nous avons reçu tout le soutien de l’équipe du Gymnase pour la mise en œuvre de ce concept.

Sarah Ludecke, Elodie Chouicha, Margaux Hammann, Ornella Bisquay et Caroline Kraft, fondatrices des Happy Talks, dans un article des Dernières Nouvelles d'Alsace de 2004.

Les études après le Gymnase

Souhaitant continuer à étudier trois langues étrangères au moins, mais ne m’imaginant ni dans une carrière de professeur, ni dans celle d’interprète, j’ai intégré Sciences Po Strasbourg, m’octroyant ainsi quatre années pour trouver ma voie, dont une année d’études à l’étranger. J’ai en outre eu le privilège que deux de mes meilleures amies du Gymnase, Charlotte Boujassy et Caroline Kraft, soient, elles aussi, reçues au concours de Sciences Po Strasbourg.

Charlotte Boujassy, Margaux Hammann, Caroline Kraft et Ornella Bisquay à Grenade en 2007

J’ai tout de suite su que je voulais partir en pays hispanophone, ce sera la faculté de droit de Séville. Ayant déjà beaucoup apprécié les cours de droit durant les deux premières années de mon cursus, c’est là-bas que j’aurai le déclic qui me donnera envie d’être avocate. J’intègre alors un Master 2 à Assas et passe l’examen du CRFPA pour rejoindre l’école du Barreau de Paris. Toujours attirée par les expériences internationales, je décide d’effectuer l’un de mes stages en Egypte, dans le département d’arbitrage d’un grand cabinet d’affaires. Retour à Paris quelques semaines seulement avant la révolution, je débute une collaboration au sein du cabinet d’avocats dans lequel j’effectuais mon dernier stage. Mais l’appel de l’international revient, je quitte la vie parisienne en 2016 pour m’installer en famille à l’Ile Maurice.

Avocate d’affaires à l’autre bout du monde

Je rejoins alors PLCJ Law Firm, cabinet d’avocats d’affaires franco-mauricien créé par Mathilde Parent Lagesse et qui exerce dans les deux juridictions et dans les deux droits, avec une expertise particulière concernant les courants d’affaires entre l’Océan Indien, l’Afrique et l’Europe. Le système juridique mauricien est hybride, influencé autant par le droit français que par le droit anglais et combine dès lors la pratique du droit civil et coutumier (common law). Les textes législatifs sont rédigés dans les deux langues, non dans le sens où il en existe des traductions, mais dans le sens où les textes issus du droit français sont rédigés en français et ceux issus de common law en anglais. Les plaidoiries devant les Cour mauriciennes et les décisions de justice passent ainsi de l’anglais au français, selon le point de droit abordé.

 Installée depuis 8 ans à l’Ile Maurice, je profite d’un cadre de vie extraordinaire tout en ayant l’opportunité d’exercer le métier qui me passionne dans les meilleures conditions, tout en rentrant plaider de temps en temps devant les juridictions françaises.

La vie en expatriation

On me dit souvent que j’ai de la « chance » de vivre à l’Ile Maurice. Mais la chance n’a rien à voir là-dedans. Pour m’installer ici, j’ai quitté la vie confortable et la carrière toute tracée que j’avais à Paris pour créer une nouvelle vie qui me corresponde mieux, en acceptant une très forte baisse de mon niveau de vie et sans savoir si cela allait fonctionner. J’ai pris le risque de quitter un quotidien confortable pour une aventure sans filet ! La chance ne viendra pas frapper d’elle-même à votre porte, alors plutôt que de subir une vie qui ne vous convient pas ou plus, je ne peux que vous encourager à créer votre propre chance. Comme le disait si bien Oscar Wilde, « les folies sont les seules choses qu’on ne regrette jamais ».

Cela ne signifie pas nécessairement tout plaquer sur un coup de tête, mais identifier vos aspirations, votre vie idéale et construire votre projet autour de cela, même si votre projet s’apparente à une folie pour votre entourage. Evidemment tout cela ne se fait pas en un jour : mon mari et moi avons nourri ce projet d’expatriation pendant de nombreux mois avant notre arrivée à Maurice.

En termes de vie quotidienne, Maurice est une expatriation « facile » : deux à trois heures de décalage avec la France, les mauriciens parlent couramment français et anglais, le système de santé privé est très bien pour un suivi classique, des opérations sans complications ou encore la maternité ; l’offre éducative est d’excellente qualité et diversifiée (écoles françaises, anglaises et internationales, délivrant des cursus bilingues). On trouve également presque tous les produits alimentaires français (incluant d’excellents fromages ou même de la choucroute !), à des prix en revanche nettement plus élevés qu’en France. Le rythme est également plus doux qu’en Europe, avec une vie plus simple et plus proche de la nature.

 Le Morne Brabant, patrimoine mondial de l’Unesco

Les mauriciens sont en outre des personnes extrêmement chaleureuses et accueillantes. Seul pays d’Afrique à majorité hindou, Maurice est à la croisée des chemins entre l’Afrique et l’Inde, avec un caractère insulaire marqué. Les codes culturels sont distincts et issus des différentes communautés qui composent l’île et de l’héritage colonial aussi bien français qu’anglais. Comme pour toute expatriation, la curiosité et l’ouverture d’esprit sont fondamentales pour une adaptation réussie.

Vivre à plus de 10.000 km de chez soi comporte malgré tout son lot d’inconvénients : nos familles et nos proches nous manquent terriblement et la distance ne nous permet pas de rentrer fréquemment pour profiter d’eux autant que nous le souhaiterions.

Un conseil pour les gymnasiens ?

Le Gymnase fédère et marque durablement ceux qui ont eu la chance d’y étudier. Au détour d’un dossier, j’ai travaillé avec une Consœur avocate, elle aussi alsacienne et ancienne du Gymnase. Elle m’a confié y avoir passé ses meilleures années, je ne peux que lui donner raison.

Profitez de votre scolarité pour aiguiser votre curiosité, pour découvrir ce qui vous anime, testez, détestez, testez autre chose. Investissez-vous dans une ou plusieurs activités qui vous intéresse(nt) ; renseignez-vous sur les orientations post-bac et pas uniquement en France ; misez sur l’apprentissage des langues étrangères, qui seront toujours un atout majeur quel que soit le cursus choisi ; faites des stages dans des domaines et structures variés pour confronter vos aspirations à la réalité, alignez votre projet avec vos envies profondes et les valeurs qui vous sont chères.

« Fais de ta vie un rêve et d’un rêve, une réalité », Antoine de Saint-Exupéry.

Donnez-vous les moyens de réaliser vos rêves. Pour cela, commencez par rêver.

Ornella Bisquay

 Nous remercions Ornella pour ce témoignage si vivant et lui souhaitons une très belle continuation.