Ornella nous partage sa trajectoire particulière après sa scolarité au Gymnase ainsi que quelques conseils tirés de son expérience internationale.
Mes années Gymnase
Arrivée au Gymnase en 2001, en classe de Seconde, je me
suis immédiatement sentie dans mon élément. J’y ai rencontré des personnes qui
sont devenues mes meilleures amies et dont je suis toujours aussi proche
aujourd’hui, 20 ans après avoir passé mon bac.
Le corps enseignant est particulièrement dévoué à ses
élèves et je profite de cette tribune pour remercier particulièrement : M.
Jean-Michel Schaetzel, qui m’a donné confiance en moi et m’a convaincue de
m’écouter et de partir en filière littéraire ; Mme Delphine Léonardis, qui
a nourri mon amour des lettres ; Mme Laeticia Ascencio, qui m’a si bien
transmis son attachement pour l’Espagne et la langue de Cervantès ; M.
Damien Reinhardt, pour son enseignement d’un anglais imagé et riche qui me sert
encore aujourd’hui.
Outre la qualité incroyable de l’enseignement dispensé,
j’ai été frappée par l’accent mis sur la bienveillance et le développement des
relations entre élèves, comme l’organisation d’un week-end d’intégration en Seconde
pour qu’anciens du Gymnase et nouveaux arrivants se mélangent plus facilement.
L’offre culturelle était elle aussi au rendez-vous. Dès ma première année au
Gymnase j’ai rejoint la troupe de théâtre du regretté Charles Giraud. Là encore
l’alchimie s’est faite et nous avons même tourné et réalisé un film entre
élèves pendant les vacances d’été, inspirés par le premier acte d’une pièce de
Ray Cooney jouée lors du spectacle de fin d’année.
Spectacle de fin d’année de la troupe de théâtre du
Gymnase, 2004
Toute idée ou projet d’élèves était le bienvenu, un
soutien matériel et humain était mis en place pour accompagner ces initiatives.
C’est ainsi que lorsque 5 élèves de terminales passionnées par les langues
étrangères – dont je faisais partie - ont décidé de créer des apéros
linguistiques pour étudiants, les « Happy Talks », nous avons reçu
tout le soutien de l’équipe du Gymnase pour la mise en œuvre de ce concept.
Sarah Ludecke, Elodie Chouicha, Margaux Hammann, Ornella Bisquay
et Caroline Kraft, fondatrices des Happy Talks, dans un article des Dernières Nouvelles d'Alsace de 2004.
Les études après le Gymnase
Souhaitant continuer à étudier trois langues étrangères
au moins, mais ne m’imaginant ni dans une carrière de professeur, ni dans celle
d’interprète, j’ai intégré Sciences Po Strasbourg, m’octroyant ainsi quatre
années pour trouver ma voie, dont une année d’études à l’étranger. J’ai en
outre eu le privilège que deux de mes meilleures amies du Gymnase, Charlotte
Boujassy et Caroline Kraft, soient, elles aussi, reçues au concours de Sciences
Po Strasbourg.
Charlotte Boujassy, Margaux Hammann, Caroline Kraft et
Ornella Bisquay à Grenade en 2007
J’ai tout de suite su que je voulais partir en pays
hispanophone, ce sera la faculté de droit de Séville. Ayant déjà beaucoup
apprécié les cours de droit durant les deux premières années de mon cursus, c’est
là-bas que j’aurai le déclic qui me donnera envie d’être avocate. J’intègre
alors un Master 2 à Assas et passe l’examen du CRFPA pour rejoindre l’école du
Barreau de Paris. Toujours attirée par les expériences internationales, je
décide d’effectuer l’un de mes stages en Egypte, dans le département
d’arbitrage d’un grand cabinet d’affaires. Retour à Paris quelques semaines
seulement avant la révolution, je débute une collaboration au sein du cabinet
d’avocats dans lequel j’effectuais mon dernier stage. Mais l’appel de
l’international revient, je quitte la vie parisienne en 2016 pour m’installer
en famille à l’Ile Maurice.
Avocate d’affaires à l’autre bout du monde
Je rejoins alors PLCJ Law Firm, cabinet d’avocats
d’affaires franco-mauricien créé par Mathilde Parent Lagesse et qui exerce dans
les deux juridictions et dans les deux droits, avec une expertise particulière
concernant les courants d’affaires entre l’Océan Indien, l’Afrique et l’Europe.
Le système juridique mauricien est hybride, influencé autant par le droit
français que par le droit anglais et combine dès lors la pratique du droit
civil et coutumier (common law). Les textes législatifs sont rédigés
dans les deux langues, non dans le sens où il en existe des traductions, mais dans
le sens où les textes issus du droit français sont rédigés en français et ceux
issus de common law en anglais. Les plaidoiries devant les Cour mauriciennes
et les décisions de justice passent ainsi de l’anglais au français, selon le
point de droit abordé. Installée depuis 8 ans à l’Ile Maurice, je
profite d’un cadre de vie extraordinaire tout en ayant l’opportunité d’exercer
le métier qui me passionne dans les meilleures conditions, tout en rentrant
plaider de temps en temps devant les juridictions françaises.
La vie en expatriation
On me dit souvent que j’ai de la « chance » de
vivre à l’Ile Maurice. Mais la chance n’a rien à voir là-dedans. Pour
m’installer ici, j’ai quitté la vie confortable et la carrière toute tracée que
j’avais à Paris pour créer une nouvelle vie qui me corresponde mieux, en
acceptant une très forte baisse de mon niveau de vie et sans savoir si cela
allait fonctionner. J’ai pris le risque de quitter un quotidien confortable pour
une aventure sans filet ! La chance ne viendra pas frapper d’elle-même à
votre porte, alors plutôt que de subir une vie qui ne vous convient pas ou
plus, je ne peux que vous encourager à créer votre propre chance. Comme le
disait si bien Oscar Wilde, « les folies sont les seules choses qu’on
ne regrette jamais ».
Cela ne signifie pas nécessairement tout plaquer sur un
coup de tête, mais identifier vos aspirations, votre vie idéale et construire votre
projet autour de cela, même si votre projet s’apparente à une folie pour votre
entourage. Evidemment tout cela ne se fait pas en un jour : mon mari et moi
avons nourri ce projet d’expatriation pendant de nombreux mois avant notre
arrivée à Maurice.
En termes de vie quotidienne, Maurice est une
expatriation « facile » : deux à trois heures de décalage avec
la France, les mauriciens parlent couramment français et anglais, le système de
santé privé est très bien pour un suivi classique, des opérations sans
complications ou encore la maternité ; l’offre éducative est d’excellente
qualité et diversifiée (écoles françaises, anglaises et internationales, délivrant
des cursus bilingues). On trouve également presque tous les produits
alimentaires français (incluant d’excellents fromages ou même de la choucroute !),
à des prix en revanche nettement plus élevés qu’en France. Le rythme est
également plus doux qu’en Europe, avec une vie plus simple et plus proche de la
nature.
Le Morne Brabant, patrimoine mondial de l’Unesco
Les mauriciens sont en outre des personnes extrêmement
chaleureuses et accueillantes. Seul pays d’Afrique à majorité hindou, Maurice est
à la croisée des chemins entre l’Afrique et l’Inde, avec un caractère insulaire
marqué. Les codes culturels sont distincts et issus des différentes communautés
qui composent l’île et de l’héritage colonial aussi bien français qu’anglais. Comme
pour toute expatriation, la curiosité et l’ouverture d’esprit sont
fondamentales pour une adaptation réussie.
Vivre à plus de 10.000 km de chez soi comporte malgré
tout son lot d’inconvénients : nos familles et nos proches nous manquent
terriblement et la distance ne nous permet pas de rentrer fréquemment pour
profiter d’eux autant que nous le souhaiterions.
Un conseil pour les gymnasiens ?
Le Gymnase fédère et marque durablement ceux qui ont eu
la chance d’y étudier. Au détour d’un dossier, j’ai travaillé avec une Consœur
avocate, elle aussi alsacienne et ancienne du Gymnase. Elle m’a confié y avoir
passé ses meilleures années, je ne peux que lui donner raison.
Profitez de votre scolarité pour aiguiser votre
curiosité, pour découvrir ce qui vous anime, testez, détestez, testez autre
chose. Investissez-vous dans une ou plusieurs activités qui vous intéresse(nt) ;
renseignez-vous sur les orientations post-bac et pas uniquement en France ;
misez sur l’apprentissage des langues étrangères, qui seront toujours un atout
majeur quel que soit le cursus choisi ; faites des stages dans des
domaines et structures variés pour confronter vos aspirations à la réalité,
alignez votre projet avec vos envies profondes et les valeurs qui vous sont
chères.
« Fais de ta vie un rêve et d’un rêve, une
réalité », Antoine de Saint-Exupéry.
Donnez-vous les moyens de réaliser vos rêves. Pour cela,
commencez par rêver.
Ornella Bisquay
Nous remercions Ornella pour ce témoignage si vivant et lui souhaitons une très belle continuation.