Valentin
revient sur ses années de formation, avec l’expérience de son parcours : s’il
souligne combien il importe d’acquérir un solide bagage en langues dès le
lycée, grâce aussi aux échanges, il pointe aussi les différentes facettes du
métier d’ingénieur selon le type d’entreprise. Il insiste par ailleurs sur l’intérêt
de diversifier sa formation pour bénéficier d’un choix professionnel supérieur
à côté d’un enrichissement de son bagage personnel.
Quelle a été votre
formation initiale ?
J’ai
absolument adoré ma scolarité au Gymnase : elle a été, avec ma dernière
année de master, la période la plus heureuse de ma scolarité. La composition de
ma classe est restée peu ou prou la même de la seconde à la terminale,
probablement du fait que mes camarades et moi suivions tous les mêmes options
(anglais & allemand renforcés, espagnol, latin etc.). Cela a créé un solide
groupe d’amis qui ont tout vécu en commun pendant trois ans : non
seulement le quotidien des cours au Gymnase, mais aussi les nombreux voyages
scolaires, les soirées organisées par l’un ou l’autre qui ressemblaient à des
repas de classe… quel bonheur !
Pour moi qui
me considérais plutôt comme scientifique et qui n’avais jamais éprouvé de réel
intérêt pour les autres disciplines plus littéraires, la rencontre de
professeurs de français et d’histoire exceptionnels au Gymnase a été très
importante pour mon parcours personnel. Je pense à Monsieur Peter (français, en
1ère) et Madame Sadowski (histoire, en terminale), avec qui j’ai par exemple
découvert la pensée des Lumières ou encore les mécanismes conduisant à des
guerres et mille autres choses essentielles à la compréhension de notre
société. Je suis très reconnaissant pour ces apports, grâce auxquels j’ai
développé un vif intérêt pour les sciences sociales. Au point que, malgré mes
études post-bac scientifiques et mon métier essentiellement technique, je
m’intéresse actuellement bien plus à l’histoire, à la politique et aux
questions sociales qu’à la science et à la technologie.
Le Gymnase
donne à ses élèves les moyens de s’ouvrir au monde et d’atteindre un très bon
niveau en langues étrangères, ce qui m’a grandement servi dans ma trajectoire
professionnelle. Les 5 heures d’allemand et 5 heures d’anglais
hebdomadaires m’ont permis de faire des langues un atout qui m’a avantagé lors
des concours des grandes écoles d’ingénieurs, puis dans ma candidature à un
master dans une université anglaise, et enfin dans ma recherche de travail
puisque je travaille en Suisse allemande et que mon métier nécessite également
une bonne maîtrise de la langue anglaise. Les échanges organisés avec des
lycéens étrangers (à Chicago en 2nde puis à Londres en 1ère et en Terminale)
permettant une immersion totale chez des locuteurs anglais ont été extrêmement
bénéfiques ; je dirais qu’une journée sur place vaut une semaine de cours
de langue !
La seule chose
que j’aurais aimé trouver plus au Gymnase, c’est encore plus d’opportunités
d’échanges avec des jeunes à l’étranger. Bien-sûr, l’organisation d’échanges et
de voyages est lourde pour les professeurs et il serait déraisonnable
d’attendre d’eux qu’ils en organisent plusieurs par an. On pourrait toutefois
imaginer que le Gymnase donne un coup de pouce aux élèves souhaitant encore
plus d’échanges en facilitant la mise en relation avec des jeunes à l’étranger.
Par exemple, des élèves prêts à partir en échange et à accueillir en retour un
jeune étranger pourraient en informer le Gymnase, qui relaierait l’offre dans
un lycée étranger avec lequel il entretient des contacts. Ceci permettrait à
des jeunes désireux d’échanger d’être mis en relation, charge à eux ensuite de
financer et d’organiser eux-mêmes leur voyage sur leurs vacances scolaires.
Et après le
Gymnase ?
Mon parcours
dans les grandes lignes :- 2 années de classe préparatoire scientifique au
lycée Kléber de Strasbourg ;
- 2 années à l’École Centrale de Marseille (formation d’ingénieur
généraliste) ;
- 1 an en
double diplôme à l’Imperial College de Londres (spécialisation en sciences des
matériaux et
biomatériaux).
J’ai obtenu à
l’issue de ces 5 ans d’études simultanément le diplôme d’ingénieur de l’École
Centrale et un Master of Sceince (MSc) de l’Imperial College London.
Au début de
mes études, mon objectif était de devenir ingénieur, sans savoir précisément dans
quel domaine. J’imaginais que le métier d’ingénieur mêlait réflexion théorique
et tâches pratiques (essais en laboratoire, dans l’usine ou sur le terrain) et
cela m’attirait beaucoup. Au cours de mes études et des stages que j’ai
effectués en entreprise, j’ai découvert qu’en réalité, ces deux aspects
(théorie/pratique) étaient souvent divisés en deux métiers bien distincts :
aux ingénieurs la réflexion théorique pour innover, développer des protocoles
expérimentaux et interpréter les résultats et aux techniciens l’exécution de
toutes les tâches pratiques selon les consignes des ingénieurs. Cette
dichotomie (réfléchir sans faire ou faire sans réfléchir) m’a déçu et m’a
poussé à chercher une alternative au métier classique d’ingénieur.
J’ai trouvé
cette alternative par hasard, lors d’un forum des carrières dans mon université
anglaise : le domaine des brevets, qui mêle les aspects technique et
juridique. Je travaille actuellement en tant que
conseil en brevets en
profession libérale dans un cabinet de conseil en propriété intellectuelle.
Concrètement, les entreprises qui innovent font appel à nos services pour
rédiger, déposer et défendre leurs brevets.
J’apprécie mêler les aspects
technique et juridique ainsi que la variété des inventions sur lesquelles
je travaille, nos clients étant actifs dans des domaines techniques très
différents.
Je souhaite
préciser qu’au cours de mes études, j’ai effectué tous mes stages dans de
grandes entreprises du secteur aéronautique et naval car j’étais attiré par
leur prestige. Je pense que la stricte division des tâches que j’y ai constatée
est le résultat de l’extrême rationalisation du travail et de l’optimisation
poussée de la main d’œuvre qui caractérise toutes les grandes structures :
à chacun ses compétences et donc sa tâche bien définie. J’ai découvert entre
temps que la situation est très différente dans les PME, où les ingénieurs sont
moins nombreux, plus précieux et multi-tâches, mêlant effectivement la
réflexion théorique et les tâches pratiques. Le métier d’ingénieur me paraît
donc plus épanouissant lorsqu’il est exercé au sein d’une PME.
Quels conseils
pourriez-vous donner ?
a) Pour ceux
qui souhaitent s’engager dans des voies compétitives, misez sur les langues!
La bonne maîtrise d’une ou plusieurs langues étrangères est une compétence qui
est évaluée très fréquemment, aussi bien au cours des études que dans le monde
professionnel. Avoir un bon niveau de langue procure un avantage comparatif et
augmente les chances de réussite au concours, d’intégrer des formations
sélectives et ouvre des opportunités professionnelles. Par exemple, les
concours des écoles d’ingénieurs et des écoles de commerce comportent tous des
épreuves dans une ou deux langues étrangères qui sont l’occasion de grappiller
des points. L’obtention du diplôme d’ingénieur est soumise au passage d’une
certification de niveau d’anglais et à un séjour d’au moins 6 mois à
l’étranger. Intégrer une université étrangère pour y suivre une formation
nécessite souvent le passage d’une certification de niveau dans la langue
concernée. Lors de la rédaction du mémoire de master ou d’une thèse de
doctorat, il est nécessaire de lire un grand nombre d’articles universitaires
souvent écrits en anglais. Enfin, l’Alsace est une zone frontalière avec deux
pays germanophones très dynamiques économiquement et gros pourvoyeurs d’emplois
pour les alsaciens, il serait dommage de se priver des opportunités
professionnelles qu’ils offrent à cause d’un mauvais niveau d’allemand !
b) Misez
sur les langues au lycée ! Les études post-bac sont très
centrées sur le domaine que l’on choisit d’étudier et n’accordent que très peu
d’importance à tout le reste. C’est particulièrement le cas des langues, qui
sont négligées dans le parcours de formation des ingénieurs. Ce n’est
évidemment pas en classe préparatoire que l’on progressera en langues, tout
l’effort étant focalisé sur les matières scientifiques, et en école
d’ingénieurs, le volume horaire dévolu aux langues n’est que symbolique.
Pourtant, la maîtrise des langues vivantes reste un critère de sélection
important. Concrètement, le niveau des cours d’anglais et d’allemand que j’ai
suivis en Terminale au Gymnase dépasse de loin le niveau de tous les cours de
langue auxquels j’ai assisté au cours de mes études post-bac et j’ai été très avantagé
par mes acquis du lycée.
c) Diversifiez
votre formation ! Choisissez les études qui vous plaisent (droit,
médecine, commerce, sciences, sport, lettres…) puis saisissez toutes les
opportunités qui se présentent pour obtenir une formation complémentaire dans
un autre domaine. Votre profil sera alors très recherché dans les milieux se
situant à l’interface entre les deux domaines que vous avez choisis. Ce sont
souvent de petits milieux de niche offrant un travail intéressant et bien
rémunéré. Par exemple, une amie du lycée a suivi ses études de pharmacie avec
une formation complémentaire en droit, et travaille maintenant dans le milieu
du droit pharmaceutique. Moi-même, j’ai une formation d’ingénieur avec une
formation complémentaire en droit et je travaille dans le domaine des brevets.
Une autre voie plus connue est de compléter une formation d’ingénieur par une
formation en management et finance (par exemple MBA) pour prétendre à des
postes de direction dans des grandes entreprises.
Et pour des
poursuites de parcours dans un pays autre que la France ?
À l’issue de
mes études, je souhaitais trouver mon premier travail et habiter à l’étranger,
car j’aime beaucoup évoluer dans une langue et dans un environnement différents
de ce que je connais. Comme je ne souhaitais tout-de-même pas trop m’éloigner
de ma famille en Alsace, j’ai cherché un emploi en Allemagne et en Suisse. Je
travaille depuis en Suisse et j’en suis très content, entre autres pour la
rémunération qui est nettement plus élevée que celle que je pourrais toucher en
France. Travailler en Suisse est une excellente opportunité que je recommande à
tous ceux qui sont tentés par l’expérience. Attention toutefois au revers de la
médaille, si l’on habite en France et que l’on se rend en Suisse
quotidiennement : les trajets peuvent être longs et si l’on souhaite les
écourter en se relocalisant près de la frontière, les prix de l’immobilier y
sont extrêmement élevés du fait de la forte proportion de frontaliers.