Après l’obtention de son diplôme du baccalauréat en filière ES, Féris prépare un bachelor’s degree, Politique and Philosophy à la London School of Economics and Political Science (LSE).
Qu’est-ce qui t’a marqué dans ton passage au Gymnase ?
Très vite, je me suis rendu compte de la
chance que j’avais, en y pensant c’est quand même extraordinaire : parce
que mes parents ont fait des sacrifices j’ai eu le droit d’avoir une ouverture
culturelle que je n’aurais sans doute jamais eu à cet âge. Au fur et à mesure que je découvrais les
opportunités qui s’ouvraient à moi (concours général de philosophie,
universités en Angleterre…) je découvrais aussi un sentiment de supériorité
intellectuelle chez mes camarades vis-à-vis des autres lycées, surtout à
l’approche des vœux Parcoursup.
Ce sentiment de supériorité par rapport
aux autres lycées était complétement erroné car comment comparer des contextes
différents ? Si ton voisin dans un lycée public a moins de bagage
intellectuel c’est parce que le contexte éducatif est différent, souvent plus
compliqué dans les lycées publics. Ce qui devrait être pris comme une chance
incroyable, était parfois détourné pour en faire un instrument de supériorité,
comme si : parce que le Gymnase Jean Sturm tout nous était dû (Parcoursup…)
alors que dans ma vision : parce que je suis au Gymnase Jean Sturm, je
dois tout à la société. Je me dois de lui rendre au mieux et de me former le
mieux possible car cette chance j’aurais pu ne jamais avoir.
Pour finir, cette condescendance, forcément,
entrainait une forme de passivité chez certains, j’ai donc aussi vite réalisé
que ce mythe de l’élite qu’on nous vend à différentes échelles - au niveau du
lycée, des universités ou même de la société- n’était que fictionnel. Quand à
16, 17 ans on comprend qu’à priori rien ne nous différencie de la pseudo-élite,
que malgré la différence de capital au départ rien n’est insurmontable, ça a
complétement changé ma vision du monde. J’ai d’autant plus travaillé pour faire
ce qui me semblait juste à chaque moment, je me suis fixé une règle d’or :
si je réussis, je ne dois pas oublier la part de chance et si j’échoue, je ne
dois jamais oublier ma part de responsabilité.
Madame Bilger (professeure d’anglais) m’a permis d’étudier en Angleterre et elle a vraiment eu une grande influence sur ma prise de confiance en moi. Moi, complétement nul en anglais, lorsque je lui ai parlé des universités en Angleterre elle n’a hésité 1 seconde : « Je ne pense pas que tu ais une chance. Je suis certaine que tu peux y arriver ». En anglais j’étais vraiment désespérant et sa confiance m’a tellement touché, sa manière de me considérer, je ne sais pas comment expliquer…Ça doit sûrement être venu du fait que je ne m’y attendais pas du tout, auparavant d’autres professeurs m’avaient déjà découragé alors je n’y croyais pas, parfois il suffit d’une seule personne pour retrouver la motivation.
En seconde surtout, alors que j’étais assez mauvais partout, Monsieur Rietz et Monsieur Zimmer m’ont beaucoup donné confiance en moi, surtout avec l’atelier d’art oratoire le mardi après-midi qui était mon moment préféré de la semaine.
Mes
nombreuses discussions avec Monsieur Moghaddassi m’ont aussi beaucoup appris et
m’ont fait évoluer.
A priori personne n’est moins con que
vous, alors travaillez si vous sentez qu’une voie en particulier va vous
permettre de vous accomplir. Au-delà de l’autocensure, n’oubliez pas qu’on fait
rarement ce qu’on veut.
En fait, on fait ce qu’on veut quand on
sait ce qu’on fait, et pour savoir pourquoi on fait quelque chose plutôt
qu’autre chose, il ne faut jamais cesser de découvrir de nouveaux domaines.
Se poser et essayer, j’ai failli rester en
filière scientifique alors que je n’avais aucune appétence pour ce domaine, les
prisons mentales sont terribles si on ne se pose pas assez de questions. Et
pour se poser des questions, il faut se poser alors posez-vous, ralentissez.
16, 17, 18 ans ce n’est pas le moment où il faut décompresser comme on
l’entend souvent, c’est le moment où il faut se demander quels choix on ne veut
pas avoir à regretter dans 20 ans.
Je conseille aussi aux jeunes lycéens, surtout privilégiés de s’indigner. Surtout ne tombez pas dans une lassitude du réel, si quelque chose a toujours été ainsi, il n’y a aucune raison que ça continue, le passé ne détermine en rien l’avenir.
Alors indignez-vous ! De ce que vous
voulez mais surtout ne pas tomber dans une culture du contentement, le combat
de mon voisin en quoi est-il légitime ? Cultivez votre curiosité pour
l’indignation des autres. Si un livre de 1000 pages représentait l’histoire de
la planète, l’Homme n’arriverait qu’à la fin de la toute dernière page, quelques
lignes insignifiantes représentent notre histoire. Si on prend l’échelle d’une
vie, c’est encore plus insignifiant donc profitez du moment en vie, pour vous
dédier à des causes plus grandes que vous.
Bien sûr dans le mot conformisme il y a le
mot « confort » mais sachez que vous risquez de le regrettez, que
c’est dommage de ne pas s’être mis dans une position inconfortable pour vivre
sa vie comme vous l’entendez. Soyez légendaire, soyez insolent, indignez-vous
car aujourd’hui il y a des formidables causes auxquelles vous pouvez dédier
votre existence, considérez-vous doués pour quelque chose et vous verrez c’est
magique : vous le deviendrez vraiment.
Interview réalisée par Mathilde Bour-Edy