Des études de
philosophie menées en Grande-Bretagne lui ont permis d’observer la différence
du rapport à l’oralité entre la France et le monde anglo-saxon :
« Chez nous, le professeur est investi d’un savoir et on l’écoute. On se
situe donc d’emblée dans une position plus passive par rapport à la parole. En
Grande-Bretagne, c’est l’échange qui prévaut, le débat mené par le professeur
qui a plus un rôle d’accoucheur de la connaissance », explique la jeune
femme. Ajoutant : « La prédominance de l’écrit, des “Lettres”, sur la
parole, c’est tout de même très français. Mais les choses changent. On le voit
avec la mise en place du grand oral du bac, dès 2021, qui a pour objectif de
former l’élève à s’exprimer en public de façon claire et convaincante. »
Une épreuve qui aurait valu à Laura Sibony, au temps où elle était encore lycéenne, bien des angoisses. « J’étais une adolescente extrêmement timide. Prendre la parole était quelque chose de vraiment difficile. Quand j’ai quitté Strasbourg pour Sciences-Po, à Paris, en 2011, j’étais fascinée par les orateurs qui y intervenaient. J’avais 17 ans et j’étais admirative de leur talent », se souvient-elle. Un
concours national d’éloquence organisé par l’ensemble des Instituts d’Études Politiques de France lui permettra de vaincre ses peurs. Elle y participe comme d’autres se jetteraient à l’eau. Un défi qui aura un effet « très libérateur ».
Depuis, Laura Sibony a
su vaincre sa timidité. Au point de remporter plusieurs concours d’éloquence, à
la Sorbonne, en 2013, au Rotaract en 2016, puis à HEC l’année suivante.
L’adolescente réservée se mue en jeune femme créant son École de la parole,
proposant du coaching en entreprises, se partageant entre Paris et Strasbourg.
Un art de l’éloquence pour plaire,
émouvoir et convaincre
Une trajectoire qui a
attiré l’attention des éditions Hachette. Désireuses d’inscrire à leur
catalogue un manuel d’éloquence, sur lequel on imagine que de nombreux futurs
bacheliers vont se ruer, elles ont sollicité la jeune femme. Cela donne au
final L’École de la parole. L’art de l’éloquence pour tous ,
un ouvrage conçu comme un guide pratique, d’usage assez ludique, permettant au
lecteur d’avoir « les clefs pour briller en toutes circonstances ».
C’est du moins ce que proclame la quatrième de couverture.
« Il y a des
astuces, des exercices qui permettent de vaincre sa timidité, de gagner de la
confiance en soi et de s’imposer face à un auditoire », poursuit Laura
Sibony qui revient aux fondamentaux d’une éloquence bien menée, telle que
Cicéron la définissait, il y a 2000 ans : « Plaire, émouvoir et
convaincre ». Attention, doigt levé, elle précise bien : « Dans
cet ordre ! ». Ajoutant dans un sourire : « Cela n’a pas
changé depuis l’Antiquité ».
Le propos est ample comme l’illustrent les fiches pratiques qui brassent large : du grand oral du bac au discours de mariage en passant par l’entretien d’embauche, le pitch projet, l’intervention médiatique à l’entretien de personnalité dont sont friandes les écoles de commerce. Mais la recette de l’éloquence s’adosse tout simplement à une vérité première, qu’énonce Laura Sibony : « Un orateur passionné est passionnant, pour la même raison qu’un orateur qui s’ennuie ennuiera le public ».
L’École de la parole. L’art de l’éloquence pour tous , par Laura Sibony, chez Hachette Pratique, 126 pages, 12,90 €. Rencontre avec l’autrice, mercredi 11 novembre, de 11 h à 13 h, à la librairie Kléber à Strasbourg.
Article de Serge Hartmann, Dernières Nouvelles
d’Alsace du 23 octobre 2020