L’actualité a ramené dans la lumière le drame du Rwanda, le
massacre des Tutsis qui a fait près d’un million de morts en 1994, à travers
les rapports enfin convergents des commissions Duclert (France) et
Muse (Rwanda). Ils s’accordent à indiquer que si
la France n’est pas complice du génocide, le rôle des dirigeants de l’Etat
français de l’époque est fortement interpellé. Les divergences de vues
antérieures avaient conduit à la rupture complète des relations diplomatiques
de 2006 à 2009, à des relations complexes depuis. Les deux synthèses laissent
espérer des relations plus apaisées et constructives pour l’avenir.
Le Rwanda est considéré comme un des Etats africains les
plus engagés de façon constructive dans son développement tant économique que
social et humain, après avoir réussi le difficile pari de la réconciliation
nationale alors que le génocide endeuille encore chaque famille.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rwanda
Hasard ou coïncidence ? Il se trouve, de façon surprenante,
qu’un nombre significatif d’anciens élèves ont été ou sont actuellement des
acteurs engagés dans le pays des « Milles Collines ». Une densité de Gymnasiens
à nulle autre pareille dans toute l’Afrique, à notre connaissance.
Voici quelques-unes de ces trajectoires:
En mai 2013, l’ambassadeur de France au Rwanda adresse une
lettre au directeur du Gymnase, pour lui
proposer un partenariat avec le lycée français de Kigali.
Or cet ambassadeur n’est autre que Michel Flesch ancien
élève du Gymnase de la promotion 1972. Il s’engage même fortement pour
faciliter ce partenariat
Le net refroidissement des relations entre les deux pays à
cette époque ont eu raison de ce projet. Il n’y a plus d’ambassadeur français à
Kigali depuis 2015. C’est à cette date que Michel Flesch a pris sa retraite.
Quelques années plus tard, en 2017, Guillaume Marescaux
(promotion 1995), fils du Pr Jacques
Marescaux participe à une mission
humanitaire au Rwanda en tant que chirurgien-dentiste à l’hôpital de Nyamata
dans le cadre d’AME-International (Association Médicale Entraide
Internationale)
Rapport de la mission :
https://www.ame-international.net/wp-content/uploads/2020/06/Rapport-de-Mission-AME-2017.pdf
Celui qui va devenir vice-président de l'Ircad Africa vante
alors auprès de son père les mérites de ce petit pays d'Afrique centrale qui
s'est relevé de l'enfer de la guerre civile et du génocide des Tutsis de 1994,
année de la création à Strasbourg du premier Ircad.
Contacté ensuite par la ministre de la Santé du Rwanda, le
Dr Diane Gashumba, le Pr Jacques Marescaux se rend lui-même au Rwanda en 2017
et se laisse convaincre par les autorités locales. Ils y rencontrent le président
Paul Kagamé
L'Ircad Africa est officiellement créé en 2018 et les
travaux débutent l'été 2019. Ils devraient s’achever début 2022.
Un très fort
investissement national pour bâtir un institut de e-learning et de recherche en
cancérologie unique en Afrique.
A côté de cet engagement, Guillaume Marescaux exerce la
profession de chirurgien-dentiste à Strasbourg.
Simon Wohlfahrt, journaliste, vit au Rwanda et nous livre son témoignage:
J'ai quitté le Gymnase en 2011, avant de décrocher une maîtrise en droit et de m'orienter vers le journalisme. Après un passage en correspondance à New York puis chez Arte à Strasbourg, je ressens à nouveau l'appel du large et saisis l'opportunité d'occuper une place restée vacante depuis plusieurs années, celle de correspondant au Rwanda pour France24, l'AFP et Arte.
Plusieurs confrères ont en effet tenté de s'y installer avant moi, mais n'ont jamais vu leur demande
d'accréditation auprès des autorités aboutir. Je profite pour ma part d'un réchauffement des relations
entre la France et le Rwanda pour embarquer sans encombre au pays des Mille
Collines, accréditation en poche.
Cela fait maintenant près de deux ans que j'y couvre
l'actualité, et il aura fallu autant de temps pour se faire accepter de nombre
de Rwandais, jusqu'à découvrir des personnalités aussi délicates
qu'attachantes. On échappe rarement à des regards pleins de curiosité. Dans
l'un des pays les plus densément peuplés du continent, où que l'on soit, on
n'est jamais vraiment seul. Et même si on le croit, on entendra probablement
l'écho d'une voix résonner dans la colline... "Muzungu!" Comprendre
"le blanc" ou "celui qui passe".
Malgré l'incroyable beauté des paysages du Rwanda, ses
collines sont entourées d'un silence pesant. Le Rwanda est en effet classé 156e
sur 180 en termes de liberté de la presse selon Reporters sans frontières.
L'organisation décrit : "un pays où règne l'autocensure pour les
journalistes qui tentent d'échapper à la répression du régime".
Y travailler requiert donc de faire preuve de diplomatie, et
les Rwandais sont bien souvent réticents à l'idée de répondre aux questions
d'un jeune reporter français. Une nationalité qui tend à résonner négativement
dans l'esprit de nombreux locaux.
La France a en effet soutenu le régime raciste du président
Juvénal Habyarimana qui a mené nombre de massacres de la minorité Tutsi au
Rwanda, jusqu'à l'aboutissement de la machine génocidaire en 1994.
Mais le tout récent rapport de la commission Duclert sur le
rôle de la France dans le génocide a changé la donne. En reconnaissant ses
torts, la France ouvre une nouvelle page avec le Rwanda.
Au lendemain de la publication du rapport, un visiteur du
mémorial du génocide à Kigali résumait "Nous pouvons enfin être amis avec
les Français".
Ndlr : Si vous lisez des articles de journaux nationaux sur
le Rwanda, qui reprennent une dépêche de l’AFP, rappelez-vous que c’est Simon
qui tient la plume.
Laure-Anaïs Zultak, promotion 2010 du Gymnase, a porté un intérêt marqué aux langues et civilisations, notamment asiatiques.
Après l’Université d’Oxford et un séjour à celle de Pékin, elle a intégré The London School of Economics and Political Science (LSE) pour un diplôme centré sur les systèmes de santé et le développement des populations.
Active comme chercheur dans Global Health 50/50 (initiative
indépendante qui informe, inspire et incite à l'action et à la responsabilité
pour l'égalité des sexes et l'équité en santé) elle s’implique actuellement à
Kigali, au Rwanda, pour la Clinton Health Access Initiative, ONG spécialisée en
santé
Voici comment elle décrit son action :
- l’ONG apporte son soutien aux programmes de vaccination en
Afrique de l'Est (Kenya, Ouganda, Ethiopie et Rwanda), principalement sur les
vaccins pour la petite enfance
- Au Rwanda, je me concentre sur la mise en œuvre du
programme de vaccination contre la Covid. C'est un pays très intéressant d'un
point de vue santé car il y a un système de santé comparativement bien établi
pour la région, avec un haut taux de couverture sociale et un bon système de
données à travers le pays.
- C'est aussi depuis le début de l'épidémie l'un des pays
les plus sûrs, avec seulement 330 décès liés à la Covid, grâce à des mesures de
préventions strictes et prises tôt. En ce qui concerne les vaccins, le Rwanda a reçu des vaccins
Pfizer et AstraZeneca par Covax et une donation de l'Inde. C'est un des
premiers et rares pays en développement à avoir reçu le vaccin Pfizer, car
ayant investi dans une chaîne du froid à -75 degrés, en addition des
réfrigérateurs de 2 à 8 degrés requis pour la plupart des autres vaccins. Les
quelques 400 000 doses reçues en mars sont actuellement épuisées et nous sommes
en attente des prochaines livraisons de vaccins AstraZeneca depuis le Serum Institute
en Inde, par Covax.
Lisa Mutschler a passé son bac en 2016 puis, après une
classe préparatoire, a intégré l’EDHEC. Elle est actuellement à Kigali dans le
cadre de son année de césure.
Elle nous explique son choix :
après 6 mois en stage en conseil à Paris à la Défense, j'ai
eu envie de partir à l'étranger. J'ai trouvé totalement par hasard une offre
pour Afridoctor, une startup type Doctolib présente dans 10 pays africains.
Je suis partie fin janvier à Kigali avec une amie et nous
sommes deux à mettre en place cette application dans le pays. C'est très
intéressant car il y a un aspect très stratégique de mise en place des prix,
des cliniques et spécialités visées, mais il y a également une expérience
"terrain" de découverte d'un système de santé, et d'une manière de
travailler très différente de la nôtre
Le Comité des Alumni se réjouit de l’implication de tous ces
anciens élèves du Gymnase qui ont pu témoigner ici ou laisser des traces de leur présence – ainsi
que d’autres encore qui sont des acteurs investis à Kigali.
L’engagement dans
l’évolution et le plein développement de ce pays, en cohérence avec ses
autorités, pour atteindre son autonomie en tous domaines est porteur d’un
avenir plus équilibré pour le Rwanda comme pour l’Europe. C’est aussi le défi de
l’Afrique dans son ensemble.