samedi 1 février 2020

La muse au bout du doigt de Charles-Adolphe....


Près d’un siècle sépare les deux statues. L’une, austère, rend hommage à un illustre scientifique. L’autre, facétieuse, est perchée sur le doigt de ce dernier. 

Depuis quatre ans, place Saint-Pierre-le-Jeune, la petite muse de Louis Bazin et Charles-Adolphe Wurtz partagent le même destin immobile à Strasbourg.
Encore faut-il s’en apercevoir.


Il suffit parfois d’un rien, un brin de lumière qui tombe à pic, pour découvrir un objet insolite. Et l’on peut tout aussi bien passer devant des années durant sans jamais l’apercevoir. Sauf quand passe par là l’œil aiguisé de Sophie Weber, journaliste aux DNA. 

Place Saint-Pierre-le-Jeune, la statue de Charles Adolphe Wurtz domine les voitures stationnées à ses pieds, près de sa maison natale.

Né en 1817, il est le fils du pasteur de St Pierre le Jeune. Immatriculé au Gymnase le 11 juillet 1826, il y achève sa scolarité en 1834 pour se lancer dans des études scientifiques, après avoir été tenté par la théologie.

Il quitte l’Alsace à 27 ans en 1844 et devient chef de travaux de chimie à l’Ecole Centrale en 1846. 
Charles-Adolphe Wurtz marque la seconde partie du XIXe siècle à la fois comme chimiste, mais aussi comme réformateur des études supérieures de médecine et propagandiste de l’école atomiste dans une époque politiquement troublée et de grande évolution scientifique.
Ses découvertes et son enseignement lui assurent une notoriété internationale : doyen de la Faculté de médecine de Paris de 1866 à 1875, sénateur inamovible en 1881, membre de l'Académie de médecine (1856), membre de l'Académie des sciences (1867) et lauréat du Faraday Lectureship de la Royal Society of Chemistry en 1879….

Charles-Adolphe Wurtz, très ami avec Charles Gerhardt et Auguste Scheurer-Kestner, s’affirme toujours solidaire des chimistes alsaciens et en général de ses compatriotes frappés par l’annexion par l’Allemagne de l’Alsace en 1871. 

En 1872, il fait partie des fondateurs de l’Ecole Alsacienne de Paris qui ouvre ses portes en 1873.

Partisan et ardent défenseur de la théorie atomique, il s’oppose courageusement de nombreuses années à Marcellin Berthelot et Henri Sainte-Claire Deville, partisans des équivalents.
En 1867, il défend, contre l’avis des professeurs de faculté et du Conseil de l’instruction publique, l’accès des femmes à l’enseignement supérieur et à la profession de médecin.
Wurtz a laissé un traité de chimie biologique, un traité de chimie atomique et un dictionnaire de chimie, qui sont devenus des œuvres classiques.

Ch-A. Wurtz est le seul alsacien figurant parmi les 72 célébrités ayant honoré la France et dont le nom est gravé sur un emplacement spécial, au niveau de la périphérie du premier étage, de la balustrade de la Tour Eiffel.

Les enfants de Ch-A. Wurtz décident de lui consacrer un statue à Strasbourg en 1919 après le retour de l’Alsace-Lorraine à la France et qui porte à son socle, « la chimie est une science française». Ce qui suscita de vives polémiques de la part des chimistes allemands.
Mais c’est surtout l’orthographe du patronyme de Wurtz qui illustre la tragi-comédie de l’Alsace. Le nom original de Wurtz s’orthographie sans trémas sur le « u ». Or, en 1940, les nazis ont germanisé le nom en gravant les trémas sur le « u ».. Puis, en 1945, les trémas furent à nouveau supprimés, malheureusement en abîmant le grès …


A côté de la statue, quelques autres traces de sa mémoire :
·         En 1886, le graveur Alphée Dubois a réalisé une médaille à son effigie dont un exemplaire est conservé au musée Carnavalet (ND 0478).
·         Depuis 1893, une rue du 13e arrondissement de Paris porte son nom.
·         Une rue de Strasbourg porte son nom à la Krutenau.
·         Une rue de Wolfisheim porte son nom.
·         Une préparation culinaire (un gel foisonné) a été nommé "würtz"
·         Le mot wurtzite, tiré du patronyme de Charles Wurtz, désigne à la fois un minéral et une structure cristalline










Pour en savoir plus : un article fort bien renseigné de Louis-François Hollender et Jean Roethinger, publié par l’Académie Nationale de Médecine :

Autres sources :
Extraits, entre autres, de l’article de Sophie Weber – DNA 27/12/19