Près d’un siècle sépare les deux statues. L’une, austère, rend hommage à un
illustre scientifique. L’autre, facétieuse, est perchée sur le doigt de ce
dernier.
Depuis quatre ans, place Saint-Pierre-le-Jeune, la petite
muse de Louis Bazin et Charles-Adolphe Wurtz partagent le même destin immobile à Strasbourg.
Encore
faut-il s’en apercevoir.
Il suffit parfois d’un rien, un brin de lumière qui tombe à pic, pour
découvrir un objet insolite. Et l’on peut tout aussi bien passer devant des
années durant sans jamais l’apercevoir. Sauf quand passe par là l’œil aiguisé de Sophie Weber, journaliste aux DNA.
Place Saint-Pierre-le-Jeune, la statue de
Charles Adolphe Wurtz domine les voitures stationnées à ses pieds, près de sa
maison natale.
Né en 1817, il est le fils du pasteur de St Pierre le
Jeune. Immatriculé au Gymnase le 11 juillet 1826, il y achève sa scolarité en
1834 pour se lancer dans des études scientifiques, après avoir été tenté par la
théologie.
Il quitte l’Alsace à 27 ans en 1844 et devient chef de
travaux de chimie à l’Ecole Centrale en 1846.
Charles-Adolphe Wurtz marque la seconde partie du XIXe siècle à la fois comme chimiste, mais
aussi comme réformateur des études supérieures de médecine et propagandiste de
l’école atomiste dans une époque politiquement troublée et de grande évolution
scientifique.
Ses découvertes et son enseignement lui assurent une notoriété
internationale : doyen de la Faculté de médecine de Paris de 1866 à 1875, sénateur inamovible
en 1881, membre de l'Académie de médecine (1856),
membre de l'Académie des sciences (1867)
et lauréat du Faraday Lectureship de la Royal Society of Chemistry en 1879….
Charles-Adolphe Wurtz, très ami avec Charles Gerhardt
et Auguste Scheurer-Kestner, s’affirme toujours solidaire des chimistes
alsaciens et en général de ses compatriotes frappés par l’annexion par
l’Allemagne de l’Alsace en 1871.
En 1872, il fait partie des fondateurs de
l’Ecole Alsacienne de Paris qui ouvre ses portes en 1873.
Partisan et ardent défenseur de la théorie atomique,
il s’oppose courageusement de nombreuses années à Marcellin Berthelot et
Henri Sainte-Claire Deville, partisans des équivalents.
En 1867, il défend,
contre l’avis des professeurs de faculté et du Conseil de l’instruction
publique, l’accès des femmes à l’enseignement supérieur et à la profession de
médecin.
Wurtz a laissé un traité de chimie biologique, un traité de
chimie atomique et un dictionnaire de chimie, qui sont devenus des œuvres
classiques.
Ch-A. Wurtz est le seul alsacien figurant parmi
les 72 célébrités ayant honoré la France et dont le nom est gravé sur un
emplacement spécial, au niveau de la périphérie du premier étage, de la
balustrade de la Tour Eiffel.
Les enfants de Ch-A. Wurtz décident de lui consacrer un statue à
Strasbourg en 1919 après le retour de l’Alsace-Lorraine à la France et qui porte
à son socle, « la chimie est une science française». Ce qui suscita de vives
polémiques de la part des chimistes allemands.
Mais c’est surtout l’orthographe
du patronyme de Wurtz qui illustre la tragi-comédie de l’Alsace. Le nom
original de Wurtz s’orthographie sans trémas sur le « u ». Or, en 1940, les
nazis ont germanisé le nom en gravant les trémas sur le « u ».. Puis, en 1945,
les trémas furent à nouveau supprimés, malheureusement en abîmant le grès …
A côté de la statue, quelques autres traces de sa
mémoire :
·
En 1886, le graveur Alphée Dubois a
réalisé une médaille à son effigie dont un exemplaire est conservé au musée Carnavalet (ND 0478).
·
Une préparation culinaire (un gel foisonné) a été
nommé "würtz"
·
Le mot wurtzite, tiré du patronyme de Charles Wurtz,
désigne à la fois un minéral et une structure cristalline
Pour en savoir plus : un article fort bien
renseigné de Louis-François Hollender et Jean Roethinger, publié par
l’Académie Nationale de Médecine :
Autres sources :
Extraits, entre autres, de l’article de Sophie Weber –
DNA 27/12/19