Jean-Marc Hutt et Christian Kaempf (bac 1968) avec leurs amis ont souhaité
célébrer le 60ème anniversaire de leur rentrée scolaire en
classe de 11ème le 10 octobre 2016. Une date qui fut
marquante !
Les retrouvailles ne négligeront pas les agapes dans les « annexes »
du Gymnase, à côté d’une redécouverte des locaux de leur école.
L’on retrouve ces mêmes Jean-Marc Hutt et Christian Kaempf sous
les traits passionnants de « limiers ès dents » dans un récent
article des DNA. Après avoir fait leurs études de chirurgie dentaire ensemble ils
travaillent de concert, entre autres, à l’Ordre des chirurgiens-dentistes
où Christian Kaempf a occupé de hautes fonctions nationales: c'est
d'ailleurs le seul alsacien à avoir occupé un poste au bureau national depuis
la création des Ordres professionnels en 1946.
Ils ont encore été
sollicités après les récents attentats : les chirurgiens-dentistes sont devenus
experts de la reconnaissance de victimes. Les membres de l’association
française d’identification odontologique confrontent leurs expériences à
Strasbourg. Et parmi eux nos deux anciens élèves du Gymnase.
Une carte d’identité se falsifie, ou se vole, ou se
perd. Pas moyen en revanche de se dissocier de son empreinte dentaire
personnelle. Depuis notamment la catastrophe du mont Sainte-Odile, des
dentistes spécialisés sont de plus en plus souvent appelés, en France ou
ailleurs, sur des lieux de catastrophe pour tenter de reconnaître les victimes.
Le docteur strasbourgeois Christian Kaempf notamment, qui est intervenu après
le crash du mont Sainte-Odile, a vu émerger cette spécialité que l’on pourrait
trouver macabre : l’identification de cadavres.
Parmi les cendres
Tout récemment à Nice, ou lors de précédents meurtres
de masse, les autorités judiciaires et les médecins légistes ont choisi
d’appeler des experts dentaires pour attribuer de manière formelle une identité
à des corps pas forcément très abîmés, mais pour lesquels il était difficile de
rassembler des éléments prouvant leur identité. « Lorsqu’il est possible de se
procurer le schéma dentaire de la victime, auprès de son chirurgien-dentiste
personnel, on peut établir de manière irréfutable qu’il s’agit ou pas de cette
personne ».
Parfois, ce travail se fait sur place, comme lors de
la catastrophe aérienne au mont Sainte-Odile ou après le tsunami, explique le Dr Jean-Marc Hutt, organisateur du congrès de l’AFIO
avec le Dr Kaempf. Il a fait ces déplacements mais a aussi mené
l’enquête dite ante mortem après les crashs de German Wings ou du Paris-Rio, ou
plus récemment pour le dramatique accident de car de Puisseguin. « Il s’agit
alors de retrouver le passé dentaire des personnes portées sur la liste des
victimes, ce qui suppose d’être mobilisable rapidement ».
Sur les lieux mêmes de la catastrophe, « le dentiste a
un regard particulier pour localiser parmi des fragments humains ceux qui
pourront utilement servir aux actes d’identification. » Il vaut mieux ne pas
avoir le cœur trop sensible, bien sûr. Accompagnés de la gendarmerie à
l’étranger ou de la police sur le territoire français, les limiers dentaires
établis notamment à Strasbourg savent comment orienter leur travail sur place.
Ils ont suivi un diplôme universitaire spécialisé pour exploiter cette
signature du corps humain qui peut résister aux pires cataclysmes. Lors de la
catastrophe du tunnel sous le Mont-Blanc, des corps avaient subi le feu pendant
des heures. Il a fallu passer les cendres au tamis pour récupérer des éléments
dentaires. L’expérience de l’expert peut être utile pour trouver, selon les
techniques de soin appliquées aux dents, des indices sur le niveau
socio-économique ou l’origine géographique des victimes, souligne le Dr Hutt.
Dans une salle de médecine légale, l’opération est
plus aisée. « L’identification peut être très rapide, en temps réel : le
dentiste appelé délivre son expertise dès la table d’autopsie. »
Le recours croissant aux experts dentaires est
expliqué par cette rapidité, mais aussi par la fiabilité du résultat : une
empreinte dentaire est infalsifiable. Des tests sur l’ADN sont en comparaison
plus compliqués. La reconnaissance visuelle ou digitale n’est quant à elles pas
forcément possibles. Désormais, la pratique s’est banalisée : « On nous appelle
tous les mois pour reconnaître des corps à la suite de découvertes macabres
dans la nature », explique le Dr Kaempf.
DNA 28/09/16