mercredi 15 janvier 2025

Romain Bourdeaux (bac 2018) une trajectoire scientifique impliquée dans les rouages de Jeux Olympiques réussis.

Mes années au Gymnase ont été des années propices à l'éveil et à la stimulation intellectuelle. De par les projets auxquels j'ai pris part (scolaires comme extrascolaires), que par les gens que j'y ai rencontrés (élèves comme professeurs -dont la passion de certains constituait une réelle source d'inspiration et a attisé ma curiosité sur de nombreux sujets) ; les conditions étaient réunies pour me permettre de m'exprimer en tant qu'individu au sein du groupe. D'imaginer, concevoir, exprimer et donner vie à n'importe quelle idée, tant qu'elle satisfait à la mission qui nous est confiée. De partir du postulat que rien n'est impossible tant que l'on se donne les moyens de le rendre réalisable.

Cet état d'esprit m'a assurément aidé au cours de mes études, ainsi que pour me démarquer afin d'entrer aux Jeux Olympiques. L'objectif étant de montrer que je pouvais contribuer à la réussite du plus grand événement du monde, de manière très singulière et collective à la fois, convaincu de la force de notre diversité d'éducation, de culture et de façon de penser.

 Après le Gymnase, je suis allé en CPGE à Paris : MPSI au Lycée Fénélon (Paris 06), puis PSI* au Lycée Jacques Decour (Paris 08). Après les concours, j'ai intégré la grande école d'ingénieurs de l'ESIEE Paris, dont je suis désormais diplômé depuis juin 2023 comme Ingénieur Généraliste spécialisé en Data Science et Intelligence Artificielle. J'ai eu l'occasion de réaliser plusieurs stages en tant que Data Scientist (SAUR), Business Data Analyst (Liberkeys) et Data Analyst (Paris 2024). J'ai également réalisé un Erasmus à l'Université Polytechnique de Catalogne à Barcelone durant le 2nd semestre 2022. Enfin, je viens en septembre 2024 de terminer mon premier CDD en tant que salarié au sein du Comité d'Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJO) de Paris 2024, où je suis revenu en tant que Chargé de Mission IT au transport des Accrédités après mon stage là-bas.

Mon domaine professionnel est en pleine mouvance, car il concerne des éléments en pleine explosion et en pleine démocratisation, comme l'IA et la data. Le grand public commence de plus en plus à s'y intéresser, à s'en méfier, à tenter de se l'approprier. Alors, dans un univers où toute tentative fait de nous des pionniers, il est excitant de concevoir chaque nouveau projet ou programme comme un défi dont il convient de s'assurer de la légitimité et de la conformité au vu des lois et de l'éthique qui commence à se développer autour. Il s'agit d'avancer en terrain inconnu, avec quelques certitudes et beaucoup de variables. Alors, prise de recul et remise en question sont de mise pour être en mesure de ne jamais perdre de vue le pourquoi on fait ce que l'on fait.

Quels conseils donner ?

Avoir fait sa scolarité au Gymnase prodigue une rigueur et une organisation certaine, qui seront les alliées d'une vie, tant sur le plan professionnel que personnel. On s'habitue également à une forme d'exigence, dans le travail, l'attitude et la spontanéité synaptique et intellectuelle. De ce fait, là où beaucoup redoutent les CPGE, ce furent deux belles années en ce qui me concerne. En effet, je connaissais les attendus et l'exigence associée ; il me "suffisait" de me reprogrammer un cadre afin d'avancer sereinement durant ces 2 ans... le cadre dont j'avais l'habitude au Gymnase.

Ainsi, je conseillerais de ne jamais perdre ce qui a fait que nous sommes entrés au Gymnase : à savoir, notre désir ardent d'étendre nos connaissances, de stimuler nos esprits féconds, de satisfaire notre curiosité. Dans un monde de plus en plus robotisé et automatisé, le hasard et la spontanéité sont de plus en plus limités ; alors, à l'instar d'une mutation génétique aléatoire qui fait la richesse de notre génome, ne nous contentons jamais de "simplement" devenir des copies de nous-mêmes. Tout le monde peut contribuer, chacun à sa manière. Be the game changer

Il convient alors d'être capable de s'adapter aux nombreux changements, que ce soit en termes de technologies, mentalités ou gouvernances. Ne jamais céder à la tentation de croire une doxa sans la remettre en cause, la challenger, l'investiguer. Chérir ce qui fait que notre espèce est sur Terre depuis si longtemps, à savoir notre formidable capacité à nous dépasser, à nous allier quand il le faut et réaliser de grandes choses ensemble. Comme le disait Antoine de St-Exupéry, "ce n'est pas dans l'objet que réside le sens des choses, mais dans la démarche". Ayons toujours cette envie ardente d'entreprendre, de concevoir et de créer ; tout en croyant fièrement en l'humain afin de récolter ensemble les pétales des fleurs que nous aurons semées.

Alors, le danger serait de se replier sur soi-même, fuyant Aristote alors même qu'il nous dit que "l'homme est un animal social". Ce repli n'induirait que la peur et la haine de l'autre, et ne saurait être à l'origine que de relations délétères et superflues, détruisant au passage toute tentative de transformation pérenne de notre société.

Mon aventure aux Jeux est tout d'abord partie d'une envie profonde de prendre part au plus grand événement du monde, ayant lieu qui plus est dans notre pays. J'ai alors postulé dans mon domaine d'étude, donc au poste de "data analyst stagiaire". J'ai eu l'honneur et la chance d'être rappelé, de passer des entretiens et d'être sélectionné pour rejoindre cette grande aventure dans la direction DIG (Digital). Ainsi, durant 6 mois, j'ai assisté toutes les directions de Paris 2024 (transport, billetterie, engagement, héritage, exécutif, ...) à l'aide de dashboards récapitulant les enjeux et chiffres clés de telle ou telle action, afin de basculer pour la première fois dans l'histoire des Jeux en mode data driven. En d'autres termes, l'idée était désormais d'optimiser toutes nos ressources et nos actions avec la data, afin de les cibler et d'ainsi en améliorer l'efficacité.

Deux exemples me permettent de mettre en valeur cette expérience : tout d'abord, le ciblage de l'intérêt pour certaines disciplines des Jeux des supporters existants dans notre base de données nous a permis de les fédérer et de les tenir en haleine jusqu'aux Jeux ; l'objectif n'était pas tant que choisir beaucoup de personnes, mais plutôt de choisir des personnes pertinentes. Par ailleurs, mon autre exemple concerne le Main Operations Center -là où l'exécutif est pour prendre toutes les grandes décisions-, pour lequel j'ai eu l'idée de créer un tableau de suivi des sessions en temps réel des Jeux, qui permettait à chaque instant t de savoir combien de sessions étaient en cours, où elles avaient lieu, combien de spectateurs étaient présents, combien de lignes de métro éventuelles étaient associées, etc... Ainsi, on savait en tout temps et en tout lieu où les activités étaient concentrées et quels indicateurs clés y étaient associés.

Puis, à la fin de mon stage, j'ai basculé dans la direction TRA (Transport) en tant que Chargé de mission IT au Transport des Accrédités. Mon rôle consistait à coordonner la bonne mise à disposition d'applications et plus généralement d'outils digitaux performants pour organiser et faciliter le transport des accrédités des Jeux. Ainsi, nous avons développé avec nos prestataires une application de navigation routière "version Paris 2024" ; également, des écrans d'information voyageur indiquant les quais des bus qu'ils devaient prendre, etc.

Un des grands défis durant le Games Time (ie : durant les Jeux) a été de savoir s'adapter aux nouveaux besoins remontés par les usagers, pour garantir de la performance et de la cohérence dans nos outils. Nous avons alors été amenés à naviguer dans Paris afin de tester le GPS que nous avions créé, afin d'infirmer ou valider son comportement vis-à-vis des routes fermées, des voies olympiques et des aires de stationnement sur les sites olympiques.

En somme, cette double expérience fut extraordinaire, et je mesure la chance que j'ai eue d'en faire partie. C'était un environnement challengeant, qui autorisait chacun à proposer ses idées et à les défendre. L'envie de faire, ou plutôt l'envie de bien faire prédominait ; la proactivité et l'inventivité des équipes a été sans précédent. Nous avons réussi notre pari, tous ensemble (malgré parfois les conditions météo ). 

Nous avons ouvert grand les Jeux. Au sortir de Paris 2024, c'est la fierté qui prédomine ; la fierté d'avoir donné du bonheur à tous les Français et au monde entier, et la fierté d'avoir contribué à la réussite de cet événement planétaire, dont nous gageons que l'héritage en termes d'inclusion et d'accessibilité saura transformer nos sociétés de manière pérenne.