dimanche 25 décembre 2022

Jean Ledermann (bac 2002) : « Dans l’artisanat, sans la tête, la main n’est rien »

Bois de pays, bois précieux, les essences sont diverses dans l’atelier de Jean Ledermann, GD Sagem, à

Schiltigheim. Le maître ébéniste est un passionné. Lors de la dernière Rencontre économique de l’année , il est revenu sur l’histoire de l’ébénisterie et son essor à l’Époque moderne. Il a aussi fait découvrir son atelier et expliqué son métier à un public admiratif de ce savoir-faire.

La visite est notamment passée par les espaces de stockage : chêne, frêne, hêtre, noyer ou merisier dans l’un, ébène du Gabon dans un autre. Parmi les bois de pays que Jean Ledermann utilise, la plupart viennent des Vosges. « Un chêne, par exemple, doit avoir atteint les 100-150 ans pour être exploité, indique-t-il. On garde la moindre chute. C’est une question économique, mais aussi de respect pour l’arbre. »

Un parcours atypique

Celui qui a reçu le titre de Meilleur ouvrier de France en 2015 a un parcours un peu atypique : « J’ai passé mon bac. Mais je savais que je voulais faire ce métier. À 18 ans, j’ai donc sollicité 37 entreprises pour faire mon apprentissage. »

Il y a 12 ans, il rachète l’ancienne manufacture de meubles où il a été apprenti. « On est dans l’idée de durabilité, de fabriquer des meubles pérennes, qui peuvent traverser le siècle. On doit savoir choisir les bonnes essences, le bon bois en fonction de ce qu’on veut réaliser. Et donc avoir une vraie expertise. Dans l’artisanat, sans la tête, la main n’est rien », explique Jean Ledermann. « L’ébénisterie ne se limite pas au bois. On a besoin d’une connaissance de différents matériaux ou en chromatique », poursuit-il.

Chez GD Sagem, on n’a pas pris le virage du numérique, car il s’agit de « vendre un savoir-faire. » Copies de portes anciennes, boiseries, l’atelier peut faire du sur-mesure pour les projets qu’apportent les clients. « On peut faire nos propres outils, donc on est capables de reproduire à l’identique des choses anciennes », souligne le maître ébéniste. Malgré tout, quelques machines trônent ici et là. Pour une partie d’entre elles, elles sont reliées à un système d’aspiration. Les copeaux ainsi stockés dans un tour sont utilisés pour le chauffage en hiver.

« On peut prendre une journée pour vieillir une chaise »


Du choix de la matière première à la transformation, en passant par le ponçage ou le vernissage, Jean Ledermann évoque de nombreux aspects de son métier : « On peut même vieillir des bois neufs : on peut prendre une journée pour vieillir une chaise par exemple. »

Parmi ses clients, l’artisan compte des particuliers français ou étrangers, quelques grandes maisons de meubles, ou encore de grands hôtels comme le Ritz ou le Bristol. Et tous sont à la recherche de ce savoir-faire.

« Pérenniser un savoir-faire »

Pour pérenniser ce savoir-faire, ce métier en voie de disparition, il faut le transmettre », ajoute Jean Ledermann. François, son apprenti en formation au CFA d’Eschau, a créé un secrétaire qui a nécessité 250-300 heures de travail : « Avec ce projet, j’ai appris des choses en étant confronté à certaines difficultés. Ce métier permet de se réaliser soi-même. C’est la première fois que je sors d’un travail en me disant que j’ai passé une bonne journée. » Et Jean Ledermann d’abonder dans ce sens : « Quand on fabrique, on s’amuse, on oublie le reste, nos tracas. »

DNA - Par J.R. - 14 déc. 2022