Il y a 250 ans, l’inventeur du
strass naissait à Wolfisheim
Outre la phonétique de leur nom, les imitations de pierres précieuses ont un lien avec Strasbourg. Ainsi qu’avec Wolfisheim. Explications.
Philippe Wendling – DNA 22 décembre 2023
A Wolfisheim, une impasse porte le nom du joaillier né
dans la commune en 1701. Photo Philippe Wendling
Il y a tout juste 250 ans, le 22 décembre 1773, Georges Frédéric Strass s’éteint à son domicile parisien. Sa dépouille est inhumée le lendemain au cimetière protestant du Port-au-Plâtre dans le 12e arrondissement. Diverses personnalités assistent à la cérémonie, à l’instar de Frédéric-Charles Baer, l’aumônier de la chapelle royale de l’ambassade de Suède en France. Le défunt jouit d’une renommée nationale et internationale à laquelle ses origines ne le prédestinaient pourtant pas.
Verre et plomb
Dernier d’une fratrie de sept enfants, Georges
Frédéric Strass est né le 29 mai 1701 à Wolfisheim, où son père officie
comme pasteur luthérien. À 13 ans, il commence à apprendre l’orfèvrerie et
la joaillerie auprès d’Abraham Spach, un artisan strasbourgeois. Après quatre
ans à ses côtés, il prend la route et multiplie les patrons avant d’être
embauché à Paris puis d’y ouvrir dans les années 1730 sa propre boutique le
long du quai des Orfèvres. Consécration : il est élevé rapidement au rang
de « marchand joyalier du Roy » Louis XV.
Confronté à la même période à une raréfaction sur le
marché des diamants en provenance du Brésil et d’Inde, il se lance dans
l’imitation de pierres précieuses en recourant à un principe développé en
Angleterre depuis le siècle précédent. Il mêle au verre un taux renforcé
d’oxyde de plomb et ajoute des sels métalliques pour obtenir différents
coloris. L’homme est ingénieux. Un trait de famille, sans doute. Son frère
Philippe Jacques Strass – qui a résidé un temps 23 quai des Bateliers à
Strasbourg – a pour sa part inventé une colle animale.
Dans une réclame, Georges Frédéric Strass explique
qu’il « peint toutes sortes de pierres très avantageusement égales à
celles d’Orient » et les vend « à très juste prix ». Étant en
effet moins chers que des diamants authentiques (mais aussi moins
« durs » et solides), ses cristaux lui permettent de toucher une
large clientèle. Y compris parmi la noblesse ! Louis XV, lui-même, s’en
procure. Le succès de ses créations est tel qu’elles sont imitées par des
confrères qualifiés de « joailliers-faussetiers ».
« Des
joailliers-faussetiers »
L’Alsacien n’en garde pas moins un certain leadership.
Pour preuve : les similis diamants, produits ou non par ses soins, sont
d’abord qualifiés de « pierres du Rhin » en référence à ses racines
puis simplement de « strass » à partir des années 1746-1748. Devenu
nom commun, son patronyme gagne les dictionnaires français et se diffuse à
travers le monde. Célibataire sans enfant à son décès, Georges Frédéric Strass
a légué le fruit de son labeur à ses neveux, dont un a repris son affaire.