Dans un livre récent, l'épouse et la fille de Jean-Pierre Mengus, ancien élève du Gymnase, racontent les tribulations d'un jeune alsacien dans l'Europe en guerre, de 1939 à 1945
Le jeune Jean-Pierre
Mengus ne s’imaginait certainement pas qu’en ce 8 août 1939, alors qu’il
marchait d’une ferme-auberge à l’autre sur les sommets vosgiens en compagnie de
son père et que ce dernier fut sommé par un client d’accélérer la livraison de
sa commande (chocolaterie strasbourgeoise), sa vie venait de basculer.
La rentrée scolaire se profilait…
La rentrée scolaire se
profilait et le jeune lycéen du Gymnase Jean Sturm allait être happé par les
tentacules de la Seconde Guerre mondiale. Une débâcle française plus loin,
Jean-Pierre comme tant d’autres Alsaciens tomba dans les griffes nazies. Son
insouciance juvénile sera piétinée. Il se prénommera désormais Peter. Par
ordonnance. Avant d’être enrôlé au RAD (Service de travail du Reich), un rayon
de soleil viendra éclairer sa vie : sa rencontre avec Denise. Et le coup
de foudre immédiat. Denise deviendra Dénia. Par ordonnance. Mais la guerre
était gourmande de jeunes soldats. Jean-Pierre sera incorporé dans la Wehrmacht.
Malgré lui, malgré tout.
Il connaîtra un
parcours pour le moins atypique à travers des milieux hospitaliers, des centres
de tri de blessés, pour se retrouver dans un régiment de grenadiers et fouler
de ses pieds, le fusil à la main, les cratères des champs de bataille du front
de l’Est. Ses 30 affectations
successives l’ont amené à parcourir plus de 15000 km à travers toute l’Europe,
de l’Allemagne à l’Ukraine en passant par la République Tchèque, la
Biélorussie, le Danemark et la Pologne. Là où l’odeur des explosions d’obus se mélangeait étrangement avec
celle des cadavres de soldats tombés. Rien ne sera épargné à Jean-Pierre. Pas
même le camp d’emprisonnement en Russie.
Durant toute cette
galère, il a tenu un livre de bord et envoyé des lettres à sa bien-aimée Dénia.
Le 16 mai 1945, jour de son 21e anniversaire,
Jean-Pierre, muni d’un laissez-passer, s’engouffra dans un train du côté de
Flensbourg, un train qui s’arrêtera à la gare de marchandises de
Strasbourg-Koenigshoffen. Pour lui et pour Dénia, une autre vie pouvait
commencer. La vraie. Dénia a gardé toutes les lettres ; 600 au total.
Jean-Pierre se mit à
transcrire en français son journal avec le projet de publier un livre qui
serait celui du récit d’un anti-héros. La maladie l’empêchera
d’atteindre son but. Mais sa fille Anne et Denise - pardon Dénia -, (qui habite
aujourd’hui à Schiltigheim) ont poursuivi avec détermination son œuvre, avec
l’aide de Pierre Koenig, des Éditions Pierre-Créations.
Aujourd’hui, le livre
est paru. Dénia en a les yeux qui brillent : « En voyant l’ouvrage,
je suis sûre que Jean-Pierre est fier de nous. Le devoir de mémoire lui
tenait à cœur. » Anne a passé d’innombrables heures à classer lettres,
photos, et à dresser les cartes pour retracer le périple de son père. Avec une
abnégation sans faille. « À travers ses notes, papa a apporté un
témoignage poignant d’une jeunesse alsacienne maltraitée par l’occupant et
embarquée dans un conflit aux facettes imprévisibles », explique-t-elle.
Son
livre est disponible dans 3 librairies : Kléber et Oberlin à Strasbourg + Totem
à Schiltigheim.
D'après un article des Dernières Nouvelles d'Alsace (28 octobre 2017)