vendredi 19 septembre 2025

Rolands Lappuke (Bac 1973), le plus alsacien des Lettons

 Les DNA, sous la plume de Nicolas Roquejoffre, ont tracé le portrait du plus Letton des anciens élèves du Gymnase,  fin août 2025.

Né en France, Rolands Lappuke a fait ses études à Strasbourg où vivaient ses parents, réfugiés politiques après-guerre. L’ancien ambassadeur vit depuis 2016 en Lettonie, son pays marqué par les totalitarismes nazi et soviétique et dont la société s’est en grande partie engagée auprès des Ukrainiens.

Avec malice, Rolands Lappuke montre l’adresse de la rue qui longe une partie de l’ambassade de Russie au cœur de Riga. « En 2022, le parlement letton a décidé de rebaptiser cette voie en “rue de l’indépendance de l’Ukraine” ».

Dans cette même artère, suspendue devant le musée d’histoire médicale, une immense affiche présentant un Vladimir Poutine mortifère, œuvre d’un collectif d’artistes, défie les diplomates russes.

Depuis trois ans maintenant, les drapeaux jaune et bleu de l’Ukraine flottent devant les façades de certains bâtiments publics ou édifices culturels. « Après le début de l’offensive russe, les Lettons ont eu une réaction spontanée de soutien à l’Ukraine, raconte Rolands Lappuke. Tous les jours, des centaines de gens se rassemblaient devant l’ambassade pour soutenir les Ukrainiens. Les Lettons se sont mobilisés, inéluctablement. Ils voyaient des chars russes franchir la frontière, les mêmes qui nous avaient envahis en 1940 ».

Cet ancien diplomate a également apporté son soutien et continue de le faire, notamment en participant à la collecte de matériels, notamment des drones, qui partent ensuite vers le front. « Nous sommes en guerre mentalement, assure-t-il. Nous sommes reconnaissants de leur sacrifice ».

Ambassadeur en Espagne, au Portugal, en France…

Né à Paris, Rolands Lappuke a longtemps vécu en Alsace où il a suivi une scolarité au Gymnase Jean-Sturm puis à l’université Louis-Pasteur où il a décroché un doctorat en neurosciences. 

Sa carrière de diplomate letton, démarré deux ans après l’indépendance de la Lettonie, l’a notamment mené en Allemagne, au Portugal, en Espagne, en France (de 2003 à 2007). Son dernier poste, de 2014 à 2016, fut à Strasbourg, comme représentant auprès du Conseil de l’Europe.

Il n’était pas acquis que cet homme né en 1956 pose définitivement ses cartons dans un pays que ses parents avaient fui après la guerre. « Quand je suis allé la première fois en Lettonie, en 1975, je me suis juré de ne plus y revenir ». La chape de plomb soviétique l’en avait clairement dissuadé.

Et puis ses parents ne vantaient pas vraiment les charmes d’une Lettonie durablement marquée par deux totalitarismes : le communisme et le nazisme. « Je les mets sur un pied d’égalité concernant le manque d’humanité », dit-il. Les musées de l’occupation et du KGB (service de renseignement de l’URSS), au centre de Riga, rappellent ad nauseam les horreurs des nazis et des Soviétiques. Tandis que les premiers ont éliminé plus de 90 % de la population juive de ce petit pays et de si nombreux partisans, les autres torturaient et tuaient les opposants au régime de Moscou.

« N’oublions pas que le pouvoir russe est impérialiste »

La main de fer russe hante toujours les esprits lettons, notamment ceux qui ont justement connu l’annexion. Aujourd’hui, « il n’y a pas de peur mais plutôt de l’appréhension dans la société, estime Rolands Lappuke. Une invasion peut avoir lieu. N’oublions pas que le pouvoir russe est impérialiste. Qu’est-ce qui pourrait l’arrêter ? »

Celui qui se félicite d’être monté « sur le bateau de l’indépendance lettone » trouve beaucoup de points communs entre son Alsace presque natale et la Lettonie, territoires annexés, ballottés entre grandes puissances, marqués par les drames des guerres mondiales.

 L’histoire de ses parents est intrinsèquement liée à la capitale alsacienne. « Ma mère a traversé l’Europe avec sa cousine. Elles sont arrivées à Strasbourg en 1945. Mon père, lui, a fui son pays et s’est retrouvé à Lunéville en 1946. Il a fait des études de théologie puis est devenu pasteur luthérien trois ans plus tard. Il a alors pris ses fonctions à Strasbourg en 1950. C’est une jeune lettone qui est venue l’accueillir à la gare. Ils se sont mariés un an plus tard ! » Le couple est enterré à Westhoffen où le père de Rolands fut pasteur.

 Le couple Lappuke compte revenir à Strasbourg d’ici la fin de l’année. Rolands pour retrouver une partie de ses anciens camarades du lycée et son épouse pour s’extasier devant les décorations de Noël. Ils n’oublieront pas de rendre visite à la sœur de Rolands, restée, elle, en terre d’Alsace.

L’occasion de partager d’autres talents avec ses anciens et toniques condisciples lors de leurs retrouvailles ?