Camarades,
l’heure est grave. Les chars sont aux portes de Strasbourg. Si l’on ne fait
rien, tout le centre-ville sera envahi. Et au centre du centre-ville, comme
chacun sait, trône le Gymnase (Sturm, pour les intimes – et pour les moteurs de
recherche, pour qui cette parenthèse a été doctement pensée).
En
ce 3 mai 2019, n’écoutant que leur courage, prêts à combattre l’envahisseur à
mains nues, une vingtaine d’Alumni se sont dirigés vers La Wantzenau, bravant
qui les pistes cyclables étrangement boueuses, qui les routes étrangement
ralenties. On aurait voulu bloquer notre progression qu’on ne s’y serait pas
pris autrement.
Conseil
de guerre sur le point de rassemblement – un parking. C’était ici une
imprimerie, maintenant un char nous accueille.
Plus loin, un canon
bouge automatiquement si on ose l’approcher. Camarades, affirmatif ! L’ennemi
guette à l’intérieur. Qui va se coltiner la première approche ? Je vous le
donne dans le mille : nos deux généraux 5 étoiles, MM. Flurer et Perrin.
Disons
ici tout haut ce que tout le monde pensait tout bas : notre troupe de choc
a vite été repérée. Comment l’a-t-on su ? Le premier guide nous annonce
d’emblée qu’il est le voisin de Fabienne – elle est l’un des piliers du secrétariat
du Gymnase depuis une bonne trentaine d’années. Et le deuxième guide nous apprend
sans plus de précaution qu’il est, lui aussi, un Alumni (promo 1964). Un
infiltré !
Soulagement.
Nous sommes en terre amie ! Les 120 chars ne risquent pas de monter de
sitôt sur la chaire de Calvin. Les 400 uniformes conservés à l’huile
essentielle de lavande (le top de l’antimites) ne vont pas resservir.
Et
le bateau allemand qui récupérait les pilotes de chasse restera bien sagement
dans sa piscine, construite exprès pour lui !
Les 7000 mètres carrés du
site, baptisé « MM Park », abritent depuis 2017 un musée, véritable joyau
pour collectionneurs passionnés (notamment Éric Kauffmann, le fondateur), avec des
espaces ludiques un peu partout, dont un grand pour s’essayer au tir et faire
de l’accrobranche – et bientôt un restaurant à l’occasion de la prochaine
extension. Le tout est consacré à la Deuxième Guerre mondiale : armées
alliées comme armées ennemies, Malgré-Nous, troupes coloniales... Des uniformes
– classés par État – aux véhicules (chars, voitures, et même un avion), vous ne
trouverez nulle part ailleurs une telle concentration de mémoire de la guerre. À
vous en donner le tournis !
À signaler aussi, le
musée dans le musée, celui de l’opération Sussex : des volontaires étaient
alors enrôlés pour faire du renseignement afin de préparer le Débarquement.
Une
collection que l’on doit à Dominique Soulier, notre guide du jour, dont le père
Georges fut parachuté à Nantes dans le cadre de ce plan. Papier-poudre qui
s’autodétruit à l’approche d’une cigarette, chevalière avec ampoule du cyanure
pour se faire hara-kiri en cas de danger, mini-scie d’évasion : il faut le
voir pour le croire.
Alors
courez-y (et plus vite que ça !) : MM Park, 4 rue Gutenberg, 67610 La Wantzenau.
Signalons au passage deux
ouvrages du même modeste et passionnant Dominique Soulier : « Le Plan
Sussex : Opération ultra-secrète tripartite américano-franco-britannique,
1943-1944 », Éditions Ronald Hirlé (2009) ; « Le Plan Sussex,
guerre secrète en France occupée », Histoire et Collections (2013).
À noter aussi la parution (mi-mai
2019) de « La décision secrète d’Eisenhower » à La Nuée Bleue, de
Dominique-François Bareth, qui sort un véritable scoop dans l’historiographie
française : c’est à Saint-Dié qu’Eisenhower, alors chef des armées
alliées, a fait un choix stratégique crucial pour la fin de la guerre en
Europe.
Antonio Lagala, mai 2019